René Pujol (1887-1942)
"L’huissier à chaîne cria d’une voix aiguë :
– Monsieur Amédée Pifle !...
Amédée Pifle se leva précipitamment, non sans donner un rude coup de talon sur la cheville de son voisin. Celui-ci se prit aussitôt le pied à pleines mains, comme pour défendre un trésor personnel convoité par des vandales, et son visage exprima une douleur profonde.
– Je vous demande pardon, balbutia Pifle.
En quatre enjambées, il traversa le salon d’attente et se rua devant l’huissier solennel.
Or, le tapis avait un pli, un petit pli de rien du tout. Ce fut pourtant ce bourrelet minuscule que Pifle heurta du fin bout de sa semelle.
Il eut l’impression qu’une force irrésistible lui pesait soudain sur la nuque. Ses longs bras exécutèrent un bref « strudgeon » dans l’espace, son poing droit rencontra fortuitement le nez de l’huissier, et Pifle plongea résolument, la tête en avant, confondant sans doute le parquet avec une piscine.
C’est ainsi que M. Garnytoque, directeur de la Gazette Gauloise, vit Amédée Pifle entrer à plat ventre dans son bureau. Quoique fait aux originalités des journalistes, il témoigna d’une légère surprise, car Pifle s’arrêta le nez dans la corbeille à papier.
– Je vous demande pardon... répéta Pifle.
M. Garnytoque esquissa un geste vain pour l’aider à se relever.
– Ne vous êtes-vous pas blessé ?...
– Du tout !... du tout !..."
Pistonné par le député Chapotard, le jeune Amédée Pifle, qui vient de sortir de l'école des Chartes, devient journaliste sportif à la Gazette Gauloise. Il ne connait rien au sport mais il va vite apprendre les ficelles du métier pour parvenir...
Humour