Quand Paris sâembrase, les campagnes se prĂ©parent au pire...
« Cinzano pesait sur les manivelles tel un furieux. En danseuse question style, certes, mais pas du genre ballerine des hauteurs. Ah, ce nâĂ©tait pas du Charly Gaul, son style ! CâĂ©tait plutĂŽt bĂ»cheron des Ardennes qui hache la cadence. Il te massacrait le pĂ©dalier, te cisaillait la chaine, te zigouillait le pignon, te dĂ©boyautait le pneu ballon, en basculant son poids, dâune pĂ©dale, sur lâautre, et rĂ©ciproquement. Avec un souffle aussi court quâun pet de lapin anĂ©mique, il grimaçait fĂ©rocement. Ses mollets Ă©taient tendus Ă un poil de la rupture ligamentaire. Il avait beau serrer les dents, faire lâĆil mauvais, tirer la langue, question Ă©nergie, (faut pas se leurrer depuis que Cinzano se murgeait au bianco), on peut lâaffirmer : le vermouth câest vachement traitre dans les cĂŽtes. Surtout quand tu te tapais un handicap qui sâappelait CĂ©celle. RecroquevillĂ©e dans la remorque rattachĂ©e Ă la selle de son biclou, elle pesait CĂ©celle. Moins quâune truie de vingt mois, mais pas loin. Et elle saignait CĂ©celle comme si elle avait ses ragnagnas en inondation. « Y mâa flinguĂ© les ovaires, ce fumier ! » Si câĂ©tait vrai, ça ne pouvait pas le chagriner, le Cinzano, ça lui Ă©viterait dâaller enterrer le fruit des entrailles de Marcelle tous les neuf mois derriĂšre le cyprĂšs au bout du champ Perchaud. »
Mai 68. Paris et quelques grandes villes sâenflamment alors que les campagnes, attentistes et hostiles, nâont de cesse de se prĂ©munir contre les blocages et les pĂ©nuries. Dans le Mas dâEstoullet, on se prĂ©pare Ă rĂ©sister Ă lâinvasion des bolcheviques parisiens.