En 1858, quand paraĂźt Histoire de Marie-Antoinette, le nom de Goncourt nâest encore quâun balbutiement. Edmond nâa pas encore fait publier ses romans les plus cĂ©lĂšbres. Ce nâest quâaprĂšs la mort de ce celui-ci, en 1896, que finira de paraĂźtre Le journal, Ćuvre tĂ©moignage dâune vie et de son siĂšcle. Naturaliste, lâĆuvre des Goncourt, privilĂ©gie le document. Soucieuse de vĂ©ritĂ©, leur littĂ©rature rĂ©clamait une prĂ©cision toute historienne. Câest trĂšs certainement lĂ , dans lâĆuvre prĂ©paratoire aux livres quâils rĂȘvaient dâĂ©crire, que les deux frĂšres ont pris goĂ»t Ă lâHistoire. PionniĂšre, la biographie quâils consacrent Ă Marie-Antoinette est rĂ©solument moderne. Cernant Ă merveille les complexitĂ©s du personnage ; ayant compris lâironie cruelle du destin de Marie-Antoinette : femme capricieuse, icĂŽne superficielle, Ă©gĂ©rie triste ; puis, pour finir, hĂ©roĂŻne courageuse lorsque sonne le malheur ; les deux frĂšres dressent un portrait nuancĂ© de la souveraine. En dĂ©calage avec son temps, femme mal Ă lâaise Ă la cour, conseillĂšre mal inspirĂ©e de son mari, Marie-Antoinette ne cessa dâĂȘtre en dĂ©calage, vis-Ă -vis de ses contemporains, puis, plus tard, vis-Ă -vis de ses commentateurs. Amoureux du personnage, au sens littĂ©ral du terme ; soucieux de rĂ©habilitation ; inclinant, par idĂ©ologie, vers les thĂšses royalistes ; les frĂšres laissent Ă la postĂ©ritĂ© un livre terriblement actuel. Femme maltraitĂ©e par sa propre naissance, fillette tout juste bonne Ă marier, reine lĂ©gĂšre, femme se sauvant par la maternitĂ©, hĂ©roĂŻne suicidaire et suicidĂ©e, câest ce portait que dresse les deux frĂšres. Ă contre-courant des livres la faisant ange ou diablesse ; bien plus subtils que tous autres biographes avant eux, Edmond et Jules Goncourt rĂ©volutionnent complĂštement ce quâil faut penser de ce personnage lĂ©gendaire.