« Je mâappelle Anna Livia » est le rĂ©cit Ăąpre, tendu entre noir et lumiĂšre telle une tragĂ©die grecque, de lâirracontable, lâinceste. Deux voix â celle dâune femme depuis longtemps partie du domaine, la mĂšre dâElisabeta, qui questionne ; celle du serviteur Josefino qui revit la dĂ©couverte, un matin, du corps suicidĂ© de son maĂźtre -, et un silence hantĂ© : « Ainsi câĂ©tait dĂ©jĂ lĂ . CâĂ©tait lĂ avant que de se faire. Comme dĂ©rivant Ă la surface dâun rĂȘve obscur. Avant mĂȘme quâelle ait pu penser. Un jour peut-ĂȘtre. » Sa mĂšre lâappelle, par-delĂ la violence de sa propre histoire : celle dâune fille de la basse ville « achetĂ©e » par un riche propriĂ©taire, et, sans un mot, arrachĂ©e Ă son enfance. Alors sâĂ©crit ce qui nâa pu ĂȘtre dit ni pensĂ© : « Son pĂšre, il est tout ce quâelle sait et tout ce quâelle possĂšde, dans lâinsondable nostalgie jamais apaisĂ©e du temps dâavant, de ce temps mystĂ©rieux, enfoui au plus profond, oĂč elle vivait en quelquâun dâautre, le temps de lâunitĂ© maintenant perdue. »
(Je mâappelle Anna Livia, Grasset, 1979, Gallimard, 1991)