George Sand (1804-1876)
"J’avais seize ans lorsque je fus reçu bachelier à Bourges. Les études de province ne sont pas très fortes. Je n’en passais pas moins pour l’aigle du lycée.
Heureusement pour moi, j’étais aussi modeste que peut l’être un écolier habitué au triomphe annuel des premiers prix. Un violent chagrin me préserva des ivresses de la vanité.
J’avais travaillé avec ardeur pour être agréable à ma mère et pour la rejoindre. Elle m’avait dit en pleurant, le jour de notre séparation :
– Mieux tu apprendras, plus tôt tu me seras rendu.
À chaque saison des vacances, elle m’avait répété ce vœu. Mon travail de chaque année avait été juste le double de celui de mes compagnons d’étude. Aucun d’eux n’avait sans doute une mère comme la mienne.
Je n’avais aimé qu’elle avec passion. Lorsque, à la veille de passer mes derniers examens, je songeais à sa joie, je me sentais si fort, que, si l’on m’eût interrogé sur quelque sujet d’étude tout à fait nouveau pour moi, il me semble qu’inspiré du ciel, j’aurais su répondre.
Je venais de recevoir mon diplôme, et j’allais prendre congé du proviseur, lorsque la foudre tomba sur moi. Une lettre cachetée de noir me fut remise. Elle était de mon père.
« Mon pauvre enfant, me disait-il, je n’ai pas voulu t’annoncer cette fatale nouvelle avant l’épreuve de tes examens. Quel qu’en soit le résultat, il faut que tu saches aujourd’hui que ta mère est au plus mal et qu’il nous reste bien peu d’espérance que tu puisses arriver à temps pour l’embrasser... »
Je compris que ma mère était morte, et je sentis mourir en moi subitement quelque chose comme la moitié de mon âme."
Stéphen Rivesange est un étudiant studieux. Mais il perd sa mère, qui était tout pour lui, et la maîtresse de son père le chasse du domicile familiale. Edmond Roque, un de ses amis, l'emmène en forêt de Fontainebleau passer quelques jours, afin de lui changer les idées. Lors d'une promenade, les deux jeunes gens viennent au secours d'une bohémienne...