Anatole France (1844-1924)
"Ma mĂšre mâa souvent rapportĂ© diverses circonstances de ma naissance qui ne mâont pas paru aussi considĂ©rables quâelle se le figurait. Je nây ai guĂšre pris garde et elles mâont Ă©chappĂ©.
Quand vient lâenfant Ă recevoir,
Il faut la sage-femme avoir
Et des commĂšres un grand tas...
Du moins puis-je affirmer, par ouĂŻ-dire, que, Ă la fin du rĂšgne de Louis-Philippe, lâusage dont parlent ces vers dâun vieux Parisien nâĂ©tait pas tout Ă fait perdu. Car il y eut grande assemblĂ©e de dames respectables dans la chambre de madame NoziĂšre pour y attendre ma venue. On Ă©tait en avril ; il faisait frais. Quatre ou cinq commĂšres du quartier, entre autres madame Caumont, la libraire, madame veuve Dusuel, madame Danquin, mettaient des bĂ»ches dans la cheminĂ©e et buvaient du vin chaud pendant que ma mĂšre ressentait les grandes douleurs.
â Criez, madame NoziĂšre, criez tout votre saoul, disait madame Caumont ; cela vous soulagera.
Madame Dusuel, ne sachant oĂč mettre sa fille Alphonsine, ĂągĂ©e de douze ans, lâavait amenĂ©e dans la chambre, dâoĂč elle la faisait sortir Ă chaque instant, de crainte que je ne me prĂ©sentasse tout Ă coup Ă une si jeune demoiselle, ce qui nâeĂ»t pas Ă©tĂ© convenable."
Anatole France transpose ses souvenirs d'enfance dans ceux de son personnage de fiction, Pierre NoziĂšre.