Maxence Van der Meersch (1907-1951)
"La voiture avait traversé le village, et suivait un étroit pavé montant. On laissait derrière soi la Lys, rivière traînante. On allait lentement vers une ligne de hauteurs continues, que jalonnaient des files de peupliers et des moulins à vent, sur le ciel gris de novembre. L’auto, un fort cabriolet huit cylindres, couleur havane, laminait sous ses larges pneus les flaques de boue, en jaillissements sales. Et Domitien Van Bergen, au volant, évitait tant bien que mal les caniveaux et les fondrières, sur l’étroite chaussée, défoncée en cette saison par les derniers charrois de betteraves. Une bise cinglante et dure enveloppait la voiture et sifflait dans les arbres nus du chemin.
On arriva devant une masure séparée de la route par un fossé. Un grand moulin, derrière, tournait.
– Voici la maison, Domitien, dit Wilfrida Van Bergen.
Van Bergen arrĂŞta la voiture et descendit.
Planté sur une butte, le moulin, un moulin vétuste, tout en planches et en ardoises, levait et abaissait ses longs bras dégingandés et grêles, en un geste de sempiternelle lamentation. Sur sa tête, un ciel de Toussaint, lourd de nuées. À ses pieds, la maison. C’était une petite maison des champs, basse, en briques rouges soulignée d’un large soubassement goudronné, et coiffée d’un feutrage épais de chaume décoloré, où des herbes poussaient. Volets clos, porte close, terre parmi les ronces, elle dispersait dans la bise un fil de fumée sale ; et sur elle tournaient avec lenteur les grandes ailes sifflantes, parmi la tristesse et la nudité d’un rude automne.
Van Bergen regardait la masure. Il hésitait. Il revint vers l’automobile.
– Tu crois que ce sont toujours eux, Wilfrida ? demanda-t-il."
Flandre belge. Domitien et Wilfrida van Bergen, après 8 années d'absence, reviennent au pays. Ils rendent visite aux deux nièces qui restent de la famille de Wilfrida, Karelina et Janne... Ont-ils rendez-vous avec le destin en revoyant Karelina ?