H. J. Magog (1877-1947)
"â Chienne de vie !...
Cette apostrophe mĂąchonnĂ©e avec colĂšre par un misĂ©reux, sous les pieds duquel roulaient les cailloux du petit chemin en pente, Ă©tait amplement justifiĂ©e par son aspect de hĂšre piteux, aux chaussures Ă©culĂ©es et aux vĂȘtements rapiĂ©cĂ©s et sales.
Ce ne pouvait ĂȘtre quâun de ces vagabonds, dont les silhouettes ne retiennent pas les regards indiffĂ©rents, parce quâĂ force de marcher dans la poussiĂšre des routes ils ont fini par en prendre la couleur et quâils sâen dĂ©tachent Ă peine.
â Chienne de vie ! rĂ©pĂ©tait-il.
Et sa voix exprimait cette rancune et cette rĂ©volte, nĂ©es de la conviction dâune injustice du sort â nĂ©es aussi dâune conscience dâĂȘtre supĂ©rieur Ă ce destin.
Sans Ăąge â la fatigue et la saletĂ© vieillissent â sous sa livrĂ©e de poussiĂšre, il demeurait confusĂ©ment Ă la limite oĂč se rejoignent la jeunesse finissante et la maturitĂ© commençante.
Quâavait-il Ă©tĂ© avant sa dĂ©chĂ©ance prĂ©sente ? Et quelle poussĂ©e du destin lâavait fait rouler jusquâau bas de la pente, en ces bas-fonds de la vie oĂč lâhomme cesse dâavoir une valeur pour nâĂȘtre plus quâun dĂ©chet humain ?..."
Le vagabond Peaudure est témoin d'un grave accident de la route : une voiture est tombée dans le ravin. Le chauffeur et un enfant sont malheureusement morts, le couple qui était à l'arriÚre a survécu. Peaudure découvre qu'un bébé est également vivant. Au lieu de porter secours aux victimes, il enlÚve le nourrisson...