Été 1913. Le narrateur, un jeune homme de vingt ans entreprend une longue marche « dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence ». Petit point dans l’immensité, il parcourt la montagne désolée où juste quelques lavandes disséminées osent pousser. Les villages qu’il trouve sur son chemin ont été abandonnés, faute d’eau. Seul le vent souffle à ses oreilles. La vie semble avoir quitté cet endroit. Après plusieurs jours de déambulation, il rencontre un berger qui lui offre l’hospitalité. L’homme s’appelle Elzéard Bouffier. Jadis, il eut une femme, un fils et une ferme. Suite à leur perte, il s’est retiré ici dans une petite maison en pierres, chaleureuse et confortable, avec ses brebis et son chien.
Devant le narrateur, l’homme se met à trier des glands… et le lendemain, il le voit les planter dans la terre avec une longue tringle de fer. Bouffier lui confie alors qu’ « il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses. » Depuis trois ans, il avait planté près de cent mille arbres.
Le jeune homme n’oubliera jamais cet homme qui plantait des arbres. La guerre de 14-18 fait rage, et tue beaucoup. Soldat pendant cinq ans, les yeux emplis d’atrocité, il retourne en Provence, sur ce lieu qui l’apaise tant. Elzéard est encore là. S’il s’occupe maintenant de ruches, il poursuit toujours son rituel de reforestation d’un pas lent, avec patience et persévérance. Le paysage s’est modifié, de jeunes arbres poussent désormais, l’eau recommence à couler…
La dernière fois que les deux hommes se virent, le plus vieux allait sur ses quatre-vingt-dix-sept ans. Une forêt avait remplacé le désert de 1913, on avait construit des maisons entourées de jardins, on pouvait voir au loin des fermes et des champs d’orge, et on entendait ruisseler l’eau…
Cette fable est une ode à la nature, à la générosité et à la vie. Par la seule volonté d’un homme, par son geste, par sa main, une forêt est née. Cet homme qui s’était retiré de la civilisation, dans une profonde solitude, ignorant les guerres, avait su ramener la vie là où elle avait disparu.