Alexandre Dumas (1802-1870)
"Vers la fin de lâannĂ©e 1834, nous Ă©tions rĂ©unis un samedi soir dans un petit salon attenant Ă la salle dâarmes de Grisier, Ă©coutant, le fleuret Ă la main et le cigare Ă la bouche, les savantes thĂ©ories de notre professeur, interrompues de temps en temps par des anecdotes Ă lâappui, lorsque la porte sâouvrit et quâAlfred de Nerval entra.
Ceux qui ont lu mon Voyage en Suisse se rappelleront peut-ĂȘtre ce jeune homme qui servait de cavalier Ă une femme mystĂ©rieuse et voilĂ©e qui mâĂ©tait apparue pour la premiĂšre fois Ă FluĂ©len, lorsque je courais avec Francesco pour rejoindre la barque qui devait nous conduire Ă la pierre de Guillaume Tell : ils nâauront point oubliĂ© alors que, loin de mâattendre, Alfred de Nerval, que jâespĂ©rais avoir pour compagnon de voyage, avait hĂątĂ© le dĂ©part des bateliers, et, quittant la rive au moment oĂč jâen Ă©tais encore Ă©loignĂ© de trois cents pas, mâavait fait de la main un signe, Ă la fois dâadieu et dâamitiĂ©, que je traduisis par ces mots : « Pardon, cher ami, jâaurais grand plaisir Ă te revoir, mais je ne suis pas seul, et... » Ă ceci jâavais rĂ©pondu par un autre signe qui voulait dire : « Je comprends parfaitement. » Et je mâĂ©tais arrĂȘtĂ© et inclinĂ© en marque dâobĂ©issance Ă cette dĂ©cision, si sĂ©vĂšre quâelle me parĂ»t ; de sorte que, faute de barque et de bateliers, ce ne fut que le lendemain que je pus partir ; de retour Ă lâhĂŽtel, jâavais alors demandĂ© si lâon connaissait cette femme, et lâon mâavait rĂ©pondu que tout ce quâon savait dâelle, câest quâelle paraissait fort souffrante et quâelle sâappelait Pauline."
Alfred de Nerval raconte au narrateur la sombre histoire de Pauline de Meulien dont il a toujours Ă©tĂ© amoureux mĂȘme si celle-ci se marie au mystĂ©rieux Horace de Beuzeval.
A son retour d'Angleterre, pour se protéger d'un orage, Alfred de Nerval se réfugie dans une abbaye en ruine...