Egon Schiele (Tulln, 1890 â Vienne,1918)
Lâoeuvre dâEgon Schiele est tellement singuliĂšre quâelle rĂ©siste Ă toute catĂ©gorisation. Admis Ă lâAcadĂ©mie des Beaux-Arts de Vienne dĂšs lâĂąge de seize ans, ce fut un artiste extraordinairement prĂ©coce, dont le talent consommĂ© pour le maniement de la ligne, plus que tout autre chose, confĂ©rait une tension expressive Ă toute son oeuvre. ProfondĂ©ment
convaincu de sa propre importance en tant quâartiste, Schiele rĂ©alisa plus de choses dans sa jeunesse, brutalement abrĂ©gĂ©e, que beaucoup dâartistes dans toute leur existence. Ses racines puisaient dans le Jugendstil du mouvement de la SĂ©cession Viennoise. Comme toute sa gĂ©nĂ©ration, il tomba sous lâinfluence Ă©crasante de lâartiste le plus illustre et charismatique de Vienne, Gustav Klimt. A son tour, Klimt reconnut le remarquable talent de Schiele et encouragea le jeune artiste, qui au bout de deux ans, rompait dĂ©jĂ avec la sensualitĂ© dĂ©corative de son mentor. Amorçant une intense pĂ©riode de crĂ©ativitĂ© vers 1910, Schiele entama un intrĂ©pide exposĂ© de la forme humaine â sans oublier la sienne â si pĂ©nĂ©trant, quâil est clair que lâexamen auquel il se livrait Ă©tait plus psychologique, spirituel et Ă©motionnel, que physique. Il peignit plusieurs vues urbaines, paysages, portraits formels et sujets allĂ©goriques, mais ce sont ses oeuvres sur papier, extrĂȘmement candides, parfois ouvertement Ă©rotiques, et son penchant pour les modĂšles trop jeunes, qui rendirent Schiele vulnĂ©rable Ă la critique morale. En 1912, il fut soupçonnĂ© et emprisonnĂ© pour une sĂ©rie dâatteintes aux moeurs incluant le kidnapping, le viol et la dĂ©bauche publique. Les accusations les plus graves (toutes sauf celle de dĂ©bauche publique) furent abandonnĂ©es, mais Schiele passa environ trois semaines dĂ©sespĂ©rĂ©es en prison. En Allemagne, les cercles expressionnistes offrirent un accueil tiĂšde au travail de Schiele. Son compatriote, Kokoschka, rĂ©ussissait beaucoup mieux dans ce domaine. Tandis quâil admirait les artistes munichois du Blaue Reiter, par exemple, ceux-ci le repoussaient. Plus tard, pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, son oeuvre se fit mieux connaĂźtre et, en 1916, Schiele fut prĂ©sentĂ© dans un numĂ©ro de magazine expressionniste de gauche, basĂ© Ă Berlin, Die Aktion, et on finit par lâapprĂ©cier. Il fut considĂ©rĂ© trĂšs tĂŽt comme un gĂ©nie. Cela lui valut le soutien dâun petit groupe de collectionneurs et dâadmirateurs trĂšs patients. NĂ©anmoins, pendant plusieurs annĂ©es, ses finances furent prĂ©caires. Il avait souvent des dettes et Ă©tait parfois forcĂ© dâutiliser du matĂ©riel bon marchĂ©, de peindre sur du papier dâemballage marron ou du carton, au lieu du papier et des toiles rĂ©servĂ©s aux artistes. Ce nâest quâen 1918, quâil connut son premier succĂšs public notable Ă Vienne. Tragiquement, quelque temps plus tard, il fut emportĂ© avec sa femme, Edith, par lâĂ©pidĂ©mie massive de grippe de 1918, qui venait de tuer Klimt et des millions dâautres victimes, et ils moururent Ă quelques jours dâintervalle. Schiele nâavait que vingt-huit ans.