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Les combattants de l'impossible

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Pierre Daix, grand rĂ©sistant lui-mĂȘme, rĂ©habilite le combat des premiers rĂ©sistants communistes en montrant comment et pourquoi celui-ci fut dĂ©libĂ©rĂ©ment ostracisĂ© par le Parti pendant plus de soixante ans. Dans cet ouvrage dense, fouillĂ© et Ă©mouvant, Pierre Daix dĂ©nonce, en se fondant sur des archives nouvelles et des Ă©tudes rĂ©cemment publiĂ©es, l'attitude du Parti communiste Ă  l'Ă©gard de ses premiers groupes de rĂ©sistance. Il montre comment ses dirigeants, Jacques Duclos en tĂȘte, relayĂ© plus tard par Georges Marchais, se sont employĂ©s Ă  passer sous silence leur engagement pionnier dans la lutte contre l'occupant, et se sont livrĂ©s Ă  leur encontre Ă  de vĂ©ritables dĂ©nis de mĂ©moire poussĂ©s non seulement jusqu'Ă  refuser de leur rendre hommage mais aussi jusqu'Ă  les exclure du Parti.

TĂ©moins devenus gĂȘnants des ambiguĂŻtĂ©s et des improvisations du Parti communiste jusqu'Ă  la rupture du Pacte germano-soviĂ©tique, puis lors de son entrĂ©e officielle dans la RĂ©sistance en juin 1941, ces hommes furent traitĂ©s comme de vĂ©ritables parias pour avoir commis, sur ordre de leur hiĂ©rarchie, des attentats Ă  la suite desquels des dizaines d'otages, la plupart communistes, furent exĂ©cutĂ©s par l'ennemi ; c'est ainsi que le 21 octobre 1941, vingt-sept responsables du Parti internĂ©s au camp de ChĂąteaubriant furent fusillĂ©s Ă  Nantes avec vingt-trois autres otages au lendemain de l'attentat qui coĂ»ta la vie Ă  un haut responsable nazi de la rĂ©gion. Pour mieux dĂ©gager sa responsabilitĂ© dans ces actions terroristes qui s'Ă©taient soldĂ©es par une rĂ©pression accrue, la direction du PCF choisit de cĂ©lĂ©brer le sacrifice de ces otages en niant du mĂȘme coup l'engagement de ces combattants de la premiĂšre heure.

Cette forme de nĂ©gationnisme s'appliqua de la mĂȘme façon lorsqu'un millier d'entre eux, baptisĂ©s les " Triangles rouges ", furent dĂ©portĂ©s Ă  Auschwitz en mai 1942 pour y ĂȘtre exterminĂ©s. DĂ©libĂ©rĂ©ment ignorĂ©e par le Parti, l'existence de ce convoi ne fut dĂ©couverte que tardivement par les historiens, ses quelques survivants ayant Ă©tĂ© Ă  leur tour ostracisĂ©s.

Pierre Daix rend hommage aux faits d'armes de ces Ă©tudiants communistes qui manifestĂšrent contre l'occupant dĂšs le 11 novembre 1940 aux cĂŽtĂ©s des gaullistes, avant de rejoindre les " groupes de choc " clandestins rassemblĂ©s, l'annĂ©e suivante, au sein d'une Organisation spĂ©ciale agissant pour le compte du Parti communiste. Ayant partagĂ© leurs combats, leurs espoirs et leurs souffrances et endurĂ©, comme la plupart d'entre eux, les affres de la captivitĂ© puis de la dĂ©portation, il livre ici Ă  leur sujet un tĂ©moignage minutieux et Ă©difiant. On en comprend encore mieux toute l'utilitĂ© lorsqu'il rĂ©vĂšle en fin de volume ses conversations dans les annĂ©es 70 avec trois des principaux organisateurs de la RĂ©sistance – Charles Tillon, Henry Frenay et AndrĂ© Dewavrin –, lesquels ignoraient tout de ce qu'avait Ă©tĂ© l'engagement des initiateurs de la lutte armĂ©e au tout dĂ©but de l'Occupation.