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Vincennes

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Fut un temps oĂč tout Ă©tait permis. OĂč tous les plus grands philosophes français, de Deleuze Ă  Foucault, en Ă©taient convaincus. Ce n'Ă©tait pas il y a trois siĂšcles. C'Ă©tait hier ; ici, Ă  Vincennes.

Au lendemain de Mai 68, l'universitĂ© française devrait ĂȘtre devenue un champ d'expĂ©rimentation, un terrain de jeu rĂ©volutionnaire, un laboratoire de la pensĂ©e. Mais les campus Ă©difiĂ©s Ă  la va-vite, Ă  la merci des pesanteurs administratives, ne ressemblent toujours pas Ă  leurs luxueux modĂšles amĂ©ricains. Entre la prestigieuse forteresse de la Sorbonne, guindĂ©e dans ses vieux habits, et ces " modernes " conglomĂ©rats de bric et de broc, relĂ©guĂ©s dans les banlieues des grandes villes, oĂč va-t-on accueillir le flux des baby boomers qui rĂȘvent encore du Grand Soir ? Aussi intense et fugace que l'instant jansĂ©niste sous Louis XIV, la fronde de Vincennes a vu dĂ©filer, dans un joyeux dĂ©sordre, les derniers grands intellectuels d'une Ă©poque : SchĂ©rer, Deleuze, Lyotard ou Foucault ont jouĂ© le jeu de cette Ă©trange facultĂ© ouverte Ă  tous, Ă©tudiants et ouvriers, bacheliers ratĂ©s et cancres dilettantes. FormĂ© Ă  la philosophie dans le moule institutionnel, l'auteur nous raconte comment il choisit d'aller traĂźner ses baskets dans l'Ă©trange foutoir de cette facultĂ©. De cette expĂ©rience qui l'a marquĂ© Ă  jamais, il fait maintenant le bilan et s'adresse Ă  sa vieille camarade, Vincennes, non pour l'accuser de ne pas avoir tenu ses promesses, mais pour comprendre ce qui reste d'elle. C'est donc Ă  une visite dans le cƓur palpitant d'un monde oĂč tout Ă©tait possible que nous invite l'auteur. Dans la parenthĂšse qu'aura Ă©tĂ© Vincennes - bien vite rasĂ©e par le pouvoir en place -, les philosophes se crĂȘpaient le chignon sur l'estrade, les hiĂ©rarchies s'inversaient, la raison du plus fort Ă©tait celle de la paresse, et sans-papiers ou exilĂ©s de tout poil trouvaient refuge lĂ  oĂč l'interdiction d'interdire servait de passe-partout.

Bien sûr, au-travers de ce portrait vif et tapageur, la morne résignation de notre temps n'en est que plus frappante, mais cette lettre sans regrets ni amertume transmet tant d'énergie que l'on pourra y croire : le cadavre bouge encore !