« Les adolescentes anorexiques m’ont toujours fasciné par leur authenticité et leur force de caractère. Mais, en raison de la complexité de leur situation, de l’attention qu’elles requièrent et du désarroi de leurs parents, toute intervention professionnelle est source de doutes et d’interrogations.
Devant ces jeunes fi lles, j’ai considéré dès le départ que mon rôle premier était de les amener à se protéger et à reconstituer leur identité mise à mal. Et pour ça, il m’a toujours semblé nécessaire de créer un environnement thérapeutique dans lequel les patientes se sentent à l’aise et respectées dans leur individualité. Les contraindre à se soigner ne sert à rien. Chacune doit comprendre par elle-même l’importance et l’urgence de guérir.
Je sais combien il est diffi cile de résister aux multiples approches coercitives : tout, dans le système de santé, y conduit. L’expérience démontre pourtant bien que ces méthodes blessent plus qu’elles n’aident.
Les éléments essentiels d’une approche clinique humaine et efficace sont la qualité du lien qu’on établit avec les adolescentes et le temps qu’on est prêt à leur accorder. Après trente-six ans de pratique, je reste convaincu que cette approche est la bonne. »
Jean Wilkins est médecin, pédiatre, spécialiste en médecine de l’adolescence et professeur titulaire à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Il a fondé la section de médecine de l’adolescence au CHU Sainte-Justine en 1974, une première dans le milieu médical francophone, et
il y a ouvert une clinique spécialisée dans les troubles de la conduite alimentaire.