Qu’est-ce qui attache Sébastien à Azrur, jeune homme affable, qui sympathise immédiatement avec lui ? Quelle est cette force inconnue, invincible, qui soude le destin de ce Français de passage à Tanger, à celui qui prendra rapidement possession de tout son être ? Par quels mécanismes obscurs se rend-il complètement à lui, s’abandonnant totalement à sa volonté, à son corps, à sa violence Au point de le suivre partout, d’en devenir l’ombre, d’inscrire, déjà vaincu, ses pas dans les siens, au cours d’une errance marocaine s’enfonçant toujours plus au sud, en ces lieux où la perdition et l’absolue dilution de soi se font autant attirantes que redoutables ? C’est dans une écriture faite d’arabesques et d’échardes, de rondeurs et de crocs, que Pierre Morvilliers restitue, dans cet « Aller sans retour pour Tanger », la trajectoire, jusqu’à l’épuisement et la consomption, d’un jeune Français au Maroc, espace dont il devient, guidé par son paradoxal et ambigu amant, l’arpenteur piégé. De la quête de soi à sa disparition, de l’éblouissement aux ténèbres de ces passions qui vous égratignent et vous rongent, le romancier inscrit son personnage dans un mouvement que l’on comprend rapidement irréversible et fatalement tragique. Un roman soufflant, servi par des mots sachant se faire caresses et coups.