« Pour nous Messieurs, nous sommes bien décidées à ne jamais confier nos fils et nos filles à des Ministres nouveaux, dont le pays n’aurait pas éprouvé la moralité, à une Église où l’on enseignerait peut-être des doctrines socialistes ou communistes. » En 1845, Louise Émilie Caille,
comme 315 femmes de Payerne, signe la pétition libérale qui s’oppose au renvoi des pasteurs en conflit avec le Gouvernement radical. Elle rejoint ensuite les rangs de l’Église libre avec son mari. Les conjoints auront trois enfants, et Louise Émilie est âgée de vingt-sept ans à la naissance du cadet.
Au début du XIXe siècle, la pratique qui vise à limiter la taille de la famille est diffusée parmi plusieurs couples qui, comme eux, appartiennent souvent aux cercles libéraux. À l’heure où naissent les premiers partis politiques dans le canton de Vaud, les clivages en termes de valeurs ne s’affichent pas qu’au sein des assemblées et des conseils, ils s’expriment également dans le rapport que les femmes et les hommes entretiennent avec les normes morales et religieuses de leur temps.
L’auteure de cette étude propose un regard nouveau sur les polarisations qui ont suivi la chute de l’Ancien Régime et sur l’histoire de la sexualité. En considérant les comportements reproductifs comme une forme de représentation sociale et l’expression d’identités, elle souligne le rôle crucial des femmes dans la création de milieux politiques et religieux, ainsi que dans la transmission de « cultures sexuelles » familiales.