Selon certains critiques, Alain Beaulieu est à la ville de Québec ce que Michel Tremblay représente pour Montréal : un écrivain de SA ville. Rares en effet sont les auteurs qui ont donné vie à la Vieille Capitale avec une telle ferveur et une telle fidélité. Tout comme dans ses trois premiers romans (Fou-Bar, Le Dernier Lit et Le Fils perdu), Le Joueur de quilles fait de Québec bien plus que le simple lieu de l'action, mais à sa manière un véritable personnage.
Et c'est dans cette urbanité complexe, voire contradictoire tant les contrastes sociaux, économiques, architecturaux y sont criants, que Beaulieu fait évoluer ses personnages. Car Alain Beaulieu, ne l'oublions pas, est un conteur. Et c'est ce talent, cette maîtrise du récit et de ses rebondissements les plus inattendus qui d'abord nous captivent.
Imaginez un écrivain, Samy Martel, travaillant à un immense roman mettant en scène une quarantaine d'écrivains québécois et français (morts et vivants) débattant dans un grand restaurant parisien; imaginez-le interrompu par une « offre qu'il ne peut refuser » : la rédaction de la biographie de Rémi Belleau, petit truand pseudo-homme d'affaires, qui veut laisser la trace de certaines de ses activités moins connues; imaginez maintenant que tout cela a également à voir avec la mort récente de Sylvain, beau-frère et ami de Samy… ainsi qu'avec le rêve d'un Québec indépendant. Et tout cela, admirablement architecturé, donnera un roman étonnant sur l'écriture, l'engagement, la responsabilité individuelle et l'importance de certains « choix » personnels ou collectifs.