Génial Baron de B..., l'élève du grand Tartini ! Vraiment ?
« Ainsi, me dit le baron, entre tous les instruments tu as choisi le violon, mon enfant ? As-tu bien songé que le violon est le plus difficile de tous les instruments imaginables ? Oui, le violon, malgré sa simplicité et sa mesquinerie apparentes, possède une richesse de sons inépuisable, et des secrets étranges dont la nature n'accorde la compréhension qu'à un petit nombre d'hommes privilégiés. Es-tu bien convaincu que tu deviendras maître de ces secrets ? Il y a beaucoup de musiciens qui ont cru arriver à ce but, et sont restés toute leur vie de pauvres bousilleurs. Je ne voudrais pas, mon enfant, te voir augmenter le nombre de ces misérables. Eh bien ! tu pourras jouer quelque chose devant moi ; je te dirai ce qu'il en est, et te donnerai des conseils. Il peut t'advenir ce qu'il arriva à Charles Stamitz, qui se croyait la merveille des merveilles. Lorsque je lui eus ouvert les yeux, il jeta son violon dans un coin derrière le poêle ; il prit en main la basse de viole et la viole d'amour, et fit bien. Il pouvait du moins faire manoeuvrer ses larges doigts sur ces instruments et en jouer passablement. Eh bien ! je t'entendrai, mon enfant ! »
Traduction : Émile de la Bédollière (1812-1883).