Pièce maîtresse, monument en maturité littéraire dans l’œuvre de Trollope, Les tours de Barchester, est incontestablement le roman le plus abouti du cycle des Chroniques de Barsetshire. Maniant le particulier à des fins universelles, Trollope y raconte l’Angleterre rurale du premier XIXème siècle. Riche, dense, précis, exhaustif en détails, le style de Trollope y est confondant de réalisme. C’est une époque, toute une sociologie ou presque qu’il met à la description. Multipliant les intrigues pour nourrir une narration complexe, Trollope met essentiellement en scène une opposition dans ce livre. L’épouse du nouvel évêque, l’ambitieuse Miss Proudie, se rêve en régente. Entre intrigues et faux-semblants, elle fait tout pour faciliter l’avancement de son candidat pour l’investiture à venir au poste de directeur de l’Hospice de Hiram. Le chapelain, Mister Slope s’y oppose : s’en suivra une lutte subtile et discrète entre les deux protagonistes. Dans une Angleterre en plein enrichissement, une époque hypocrite, corrompue et conservatrice pour toile de fonds, cette lutte est bien plus qu’anodine. Trollope, maniant sous-entendus et ironie, y dénonce à merveille les tares morales de l’époque victorienne, montrée comme jamais dans toute sa violence contenue. C’est, in fine, ce qui fait des Tours de Barchester l’un des meilleurs romans anglais jamais écrit.