« Maman a disparu. C’est pas simple. Il a fallu le redire plusieurs fois, décomposer la phrase, la prendre et la secouer. Maman a disparu. Quelle folie de phrase. Si je la chuchote, les larmes me montent et me brûlent, si je la prononce avec une voix de fer, comme un vieux robot fatigué, ma-man-a-dis-pa-ru ma-man-a-dis-pa-ru, ça me fout la chair de poule et l’impression d’une catastrophe planétaire imminente. Si je la crie, si je la jette loin sur les routes, en plein cœur de ces villes qui scintillent et grincent sous ma peau, si je la crie si fort que ma voix casse, alors je crois que ce n’est plus vraiment triste. Pas aussi triste que ça. Je dirais plutôt affolant. Sidérant. Ou encore stupéfiant. Voilà. C’est affolant sidérant stupéfiant et ça me rend le cœur dingue, et étrangement vivant aussi. »
L’enfant écoute tout, observe tout, et avant toute chose sa mère, une fascination qui oscille entre haine et passion, dont on sent le danger, la menace, la violence des sentiments.
C’est une enfant sage, étrange. Elle a grandit robuste, comme une mauvaise herbe. Elle sent, perçoit, palpe, traque, à l’affût, toujours tapie.
Un jour, sa mère disparait. Alors, que va-t-elle devenir ?