Il vient de mourir. Enfin. Je ne pensais pas qu’il irait jusqu’à cet âge. Durant neuf décennies et demie, il a mangé, bu et fumé sans modération. Toute une vie d‘abus. Il a passé quatre-vingt-seize ans sur cette terre, et l’autre nuit il est parti, étouffé, incapable de respirer une fois de plus.Le monde sans lui n’est plus le même monde. La tonitruance s’est tue.J’ai de la peine en pensant au papa de mon enfance.Ces deux derniers mois, j’ai attendu sa fin comme une promesse de libération. Ce n’est pas le cas. Sa disparition ne change rien en moi. Je reste la même ou presque, sans doute un peu plus légère, plus sereine, comme si sa mort le punissait et que cette punition me rendait justice.Il est resté sept ans en maison de retraite avant de s’éteindre. Je ne suis pas allée le voir une seule fois. Je n’irai pas à ses obsèques. Chacun en pensera ce qu’il voudra, moi seule ai vécu ma vie.