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Alcools

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Ce recueil, qu'Apollinaire mit 16 ans Ă  Ă©laborer, annonce la quĂȘte de modernitĂ©, de jeu avec la tradition, de renouvellement formel de la poĂ©sie de l'auteur. Alcools est un recueil pluriel, polyphonique, qui explore de nombreux aspects de la poĂ©sie, allant de l'Ă©lĂ©gie au vers libre, mĂ©langeant le quotidien aux paysages rhĂ©nans dans une poĂ©sie qui se veut expĂ©rimentale, alliant une presque perfection formelle et une grande beautĂ© Ă  un hermĂ©tisme, un art du choc, de l'Ă©lectrochoc, qui valut Ă  Apollinaire d'ĂȘtre qualifiĂ© de mystificateur. Alcools montre le poĂšte dĂ©chirĂ© par ses ruptures amoureuses (avec Annie Playden, avec Marie Laurencin), ruptures qui rĂ©sonnent au travers de poĂšmes tels que Mai, Les Colchiques et, surtout, La Chanson du mal-aimĂ©.Apollinaire abolit la temporalitĂ© interne (classique mise en vigueur par Ronsard) au sein de ses poĂšmes, le passĂ©, le prĂ©sent, le futur se mĂȘlent en un seul et mĂȘme univers de vin et d'ivresse. Le poĂšte distille aussi l'espace, en mettant en scĂšne l'univers de son enfance. Il modifie la perception poĂ©tique classique du temps et de l'espace : La Chanson du mal-aimĂ©, Zone. Il se distingue comme le dieu poĂšte en Ă©tablissant une cosmogonie personnelle. Il rĂ©Ă©crit les mythes fondateurs avec OrphĂ©e. Il se rĂ©clame d'Apollon. Mais il rĂ©invente aussi la forme poĂ©tique dans son style : il dĂ©truit la conception classique syntaxique de Ronsard. Il est le prĂ©curseur du surrĂ©alisme, il consacre une nouvelle poĂ©sie d'ivresse et de mythes.C'est aprĂšs avoir assistĂ© Ă  une lecture par Blaise Cendrars de sa future publication, La Prose du TranssibĂ©rien et de la petite Jehanne de France, qu'Apollinaire aurait dĂ©cidĂ© de transformer Ă  son tour son futur recueil. Il y plaça Zone en ouverture, ce qui lui donna valeur de manifeste, et supprima toute trace de ponctuation, s'inspirant de l'innovation de Cendrars. Alcools ayant Ă©tĂ© publiĂ© avant la Prose du TranssibĂ©rien, on attribue souvent Ă  tort la primeur de la suppression de la ponctuation Ă  Apollinaire. Selon lui, en poĂ©sie, le rythme du vers et de la respiration suffisent. Au-delĂ  de cette considĂ©ration, cette suppression lui permit de faire naĂźtre des images inĂ©dites en rapprochant certains termes comme par accident.