Fait divers tragique qui a bousculé les certitudes de tout un pays, retour sur l'affaire Mawda.
Mai 2018. Sur une autoroute belge, une course-poursuite s’engage entre un fourgon chargé de migrants et une escouade de policiers. Dans le feu de l’action, un des poursuivants tire sur la camionnette.
La balle perce la tôle et provoque la mort d’une fillette, dans les bras de ses parents.
C’est l’histoire de Mawda. C’est une histoire d’amour impossible. Une histoire de guerre. Une histoire de souffrance et de contradictions. Une histoire où puiser la force de bâtir un monde plus juste et plus humain.
D’abord roman choral à travers les yeux de chacun des acteurs de l’histoire, le livre se poursuit par une contre-enquête journalistique à propos de l’affaire Mawda. Car les faits décrits dans ce livre se sont réellement déroulés, aussi révoltant que cela puisse paraître, en Europe occidentale, au XXIe siècle…
Entre roman et enquête journalistique, Deux ans et l'éternité revient sur l'affaire Mawda et décrypte les dérives d'une société déshumanisée.
EXTRAIT
Mon histoire commence au Kurdistan. Je n’y suis jamais allée. Kurdistan, Syrie, Afghanistan, Érythrée, Somalie… je n’aurais jamais imaginé qu’il y avait tant de pays. Tant de pays que l’on veut fuir. Angleterre, Angleterre, Angleterre ; si peu de pays où on rêve d’arriver. Est-ce que vous croyez qu’il y a quelqu’un, là-haut, qui décide : toi, tu vas naître là, et toi, ici ? Toi, tu vas devoir apprendre à courir très vite, et toi à barricader ta porte ? Et il les fait comment, ses choix ? Sur notre tête ? Mais on n’est même pas encore nés…
Moi, je ne peux pas croire qu’on choisit. Ni nous, ni personne. C’est le hasard. Ou alors c’est l’injustice. Une accumulation d’injustices, d’erreurs petites et grandes. Des injustices en uniforme, des erreurs en costume trois-pièces. Des ministres qui bombent le torse, des fous qui jettent des bombes. Parfois, ce sont les mêmes. Sauf que les ministres ne se salissent pas les mains, ils engagent les fous pour faire le job. Un drôle de mot, ça : job. Job, job. Dans la Bible et le Coran, on raconte l’histoire de Job. Ayoub, dans le Coran. Un saint homme, un prophète noble et généreux. Dieu l’aimait beaucoup, Ayoub Job. Et pour prouver à Satan combien Ayoub Job était fidèle, Dieu a accepté qu’il subisse tous les malheurs possibles. Et Dieu a gagné son pari. Ayoub Job a tout perdu : ses richesses, sa femme, ses enfants, son bétail, mais il a continué de croire. Et Dieu lui a rendu sa famille, et même un peu plus. N’empêche, les premiers, ils étaient morts, et bien morts. Personne ne parle d’eux. On ne connaît même pas leurs noms.
A PROPOS DE L'AUTEUR
Professeur de littérature contemporaine à l'Université catholique de Louvain (UCL) et d'histoire contemporaine à l'IHECS, Vincent Engel a écrit de nombreux essais, romans, nouvelles ou pièces de théâtre. Il est aussi critique littéraire et chroniqueur ; à ce titre, il a collaboré avec Le Soir, Victoire (supplément hebdomadaire du Soir) et Mint en radio. Depuis 2014, il collabore avec La Première, en tant que chroniqueur au sein de l'équipe de l'émission CQFD.
Chez Ker, il est l'auteur de nombreuses pièces de théâtre, d'un essai ainsi que de plusieurs romans, comme Alma Viva, Mon voisin, c'est quelqu'un, Raphael et Laetitia, Les Diaboliques et Et dans la forêt, j'ai vu. Il a également participé aux recueils collectifs Le peuple des lumières, dans lequel une quinzaine de voix majeures de la littérature francophone aident un public adolescent à mieux comprendre le monde qui les entoure à travers la fiction ainsi qu'à L'heure du leurre, ouvrage consacré au populisme et à la démagogie.