Le tsar Alexandre se rend en Angleterre où il observe les merveilles de l'industrie florissante de ce royaume et reçoit moult présents que son fidèle serviteur le cosaque Platov n'a de cesse de dénigrer. L'un d'entre eux pourtant les stupéfie : une puce dansante entièrement mécanique. Les orfèvres anglais sont-ils à ce point supérieurs à ceux de l'empire du tsar ? Il en va de l'honneur des plus doués des artisans russes, dont parmi eux le Gaucher bigle de Toula. Présenté par un narrateur narquois qui ne semble pas tout comprendre aux événements, à mi-chemin entre légende populaire et conte satirique, Le Gaucher témoigne avec malice et humour des rapports de la Russie avec l'Ouest.
EXTRAIT
Les Anglais sont stupéfaits et se décrochent des bourrades.
— Aïe, aïe ! Nous avons fait une gaffe !
Le Souverain dit à Platov d’une voix triste :
— Pourquoi les as-tu rendus si penauds ? à présent j’ai beaucoup de peine pour eux. Partons.
Ils grimpèrent d’heureux chef dans le même cabriolet bi-siège et puis s’en furent, et ce jour-là le Souverain alla au bal, tandis que Platov asséchait un verre de kizliarki encore plus grand, avant de s’endormir d’un solide sommeil de Cosaque.
Il était certes content d’avoir mis les Anglais en vilaine posture, et placé l’artisan de Toula au point de mire, mais il ressentait aussi du dépit :
« Quelle raison a donc le Souverain de se chagriner ? pensait Platov. C’est ce que je ne comprends pas ! » et perdu dans ces réflexions, par deux fois il se leva, se signa, et but de l’eau-de-vie, jusqu’à tant qu’il sombrât, par force, dans un sommeil de plomb.
Mais les Anglais, dans le même temps, ne dormaient guère non plus, parce qu’eux aussi étaient tout tourneboulés. Pendant que le Souverain s’amusait au bal, ils lui manigancèrent une nouvelle surprise assez étonnante pour ôter à Platov toute envie de rigoler.