Que sait-on des attentes, des craintes, des espoirs, des rêves des Russes ?
Depuis 1999, c'est le FSB (l'ex-KGB) qui gouverne la Russie par Président interposé. Bien plus, Vladimir Poutine a installé une dynastie KGB au Kremlin, qui n'est pas près de céder le pouvoir.
Au lieu de moderniser ses infrastructures, la Russie modernise son armée (plus de 57% d’augmentation du budget militaire en 2012). Elle se réarme… Pour faire la guerre à qui ?
Supra nationaliste, plus corrompue, plus violente que jamais, la société russe se délite et décline.
L’État ne survit que grâce aux rentes pétrolière, gazière ainsi que la vente de matières premières et d’armements. Les élites ont pactisé avec « le milieu » pour mieux le piller.
Mais, depuis 1991, la société a changé : elle refuse les violations systématiques de ses droits, l’absence totale de contre-pouvoirs, un régime où le FSB, héritier du KGB, règne en maître absolu, reléguant parfois les citoyens au rang de serfs modernes. Les Russes ne supportent plus cet État pillard, la fraude, le racket généralisé, l’arbitraire total d’une « justice » aux ordres. Ils rejettent les simulacres d’élections.
Et le pacte Medvédev-Poutine pour la présidence, qui aurait dû rester secret, a mis le feu aux poudres.
Les noms de Kasparov, Boukovsky, Nemtsov, Yavlinski, l'équipe de Memorial, le journal Novaya Gazeta, symbolisent la résistance à l'oppression. Les cas Khodorkovski et Magnitski, considérés comme des néo-dissidents, sont emblématiques car symptomatiques de l'arbitraire, du mensonge et du terrorisme d'État érigés en méthodes de gouvernement.
Après les « Révolutions de couleur » en Géorgie, en Ukraine, au Kirghizstan, après le Printemps arabe, les « Indignés » russes se font entendre et dénoncent le cynisme d’un pouvoir autiste face à leurs aspirations légitimes…
EXTRAIT
La scène qui se déroule le 25 octobre 2003 sur le tarmac de l’aéroport de Novossibirsk a quelque chose de surréaliste. On la croirait sortie tout droit d’une superproduction hollywoodienne. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une fiction à grand spectacle, mais de la réalité russe. Événement que les caméras immortaliseront sous différents angles.
À peine s’est-il immobilisé sur la piste, que l’avion qui vient d’atterrir est aussitôt encerclé par des hommes des forces spéciales. Visages cagoulés, ils mettent l’appareil en joue, prêts à tirer. L’athlète qui apparaît en haut de la passerelle les découvre avec un sourire amusé : à coup sûr, ses amis lui ont préparé une mauvaise blague. Il est brutalement jeté dans la neige, roué de coups. On lui passe les menottes. Et au lieu de la phrase rituelle : « Vous avez le droit de garder le silence... » un torrent de jurons orduriers crépite aux oreilles de celui qui – un instant plus tôt – était encore l’homme le plus riche et le plus puissant de Russie : Mikhaïl Borissovitch Khodorkovski.
À PROPOS DES AUTEURS
Après avoir mis en évidence, pour la première fois, l’existence de mafias soviétiques dans les années 1985, Renata Lesnik et Hélène Blanc ont annoncé les putschs de 1991 et 1993 à Moscou, signalé l’émergence des oligarques russes, dévoilant leurs liens avec le pouvoir politique et les services secrets. Après avoir étudié les arcanes du KGB, elles nous livrent le constat des années Poutine établi par les Russes eux-mêmes.