Emile Souvestre (1806-1854)
"Toute la ligne de rues qui conduisait du mont Janicule au Forum Ă©tait envahie par cette masse de dĂ©sĆuvrĂ©s que crĂ©ent les grands centres de civilisation. Ce jour-lĂ , lâoisivetĂ© romaine sâĂ©tait Ă©veillĂ©e avec lâespĂ©rance dâune distraction ; elle comptait sur lâarrivĂ©e dâun immense convoi de prisonniers.
Les maĂźtres du monde avaient trouvĂ© une nouvelle nation Ă rĂ©duire : ce coin de terre tout couvert de magiques forĂȘts, et que protĂ©geaient des dieux inconnus, Ă©tait enfin soumis ; on allait voir ce peuple de lâArmorique, si merveilleux par sa force, si Ă©trange dans ses mĆurs, dans son culte, et câĂ©tait courbĂ© sous la domination romaine quâil allait apparaĂźtre !
Aussi, ce jour-lĂ , tous les instincts du grand peuple Ă©taient-ils agitĂ©s ; toutes ses curiositĂ©s avaient Ă©tĂ© mises en mouvement ! il trouvait Ă la fois un triomphe pour son orgueil, un spectacle pour ses loisirs. Parfois cependant, dans cette foule quâamassait une mĂȘme pensĂ©e, on entendait surgir quelques mots de regret ; câĂ©taient les plus pauvres qui, au milieu de la joie publique, sâattristaient de nâavoir pas quelques milliers de sesterces peur acheter un Armoricain !
Vers la quatriÚme heure (dix heures du matin), les promeneurs se rangÚrent sur deux haies : le cortÚge de prisonniers commençait à passer sous la porte Aurélia et à traverser les rues de la ville.
Plus de six mille Celtes, portant au front la double attestation de leur liberté perdue, une couronne de feuillage et une indicible expression de douleur, défilÚrent devant la nation souveraine."
4 récits dans lesquels Emile Souvestre esquisse le progrÚs social au fil de l'Histoire.
"L'esclave" - "Le serf" - "Le chevrier de Lorraine" - "L'apprenti"