«[âŠ] Il est une gare oĂč ceux-lĂ qui arrivent sont justement ceux-lĂ qui partent
une gare oĂč ceux qui arrivent ne sont jamais arrivĂ©s, oĂč ceux qui sont partis ne sont jamais revenus.
Câest la plus grande gare du monde.
Câest Ă cette gare quâils arrivent, quâils viennent de nâimporte oĂč.
Ils y arrivent aprĂšs des jours et aprĂšs des nuits
Ayant traversĂ© des pays entiers [âŠ]
Tous ont emportĂ© ce quâils avaient de plus cher parce quâil ne faut pas laisser ce qui est cher quand on part au loin.
Tous ont emportĂ© leur vie, câĂ©tait surtout sa vie quâil fallait prendre avec soi. [âŠ]» C.D.
Charlotte Delbo Ă©tait une des 230 femmes qui, dans Le Convoi du 24 janvier, partirent en 1943 de CompiĂšgne pour Auschwitz. Aucun de nous ne reviendra est, plus quâun rĂ©cit, une suite de moments restituĂ©s. Ils se dĂ©tachent sur le fond dâune rĂ©alitĂ© impossible Ă imaginer pour ceux qui ne lâont pas vĂ©cue. Charlotte Delbo Ă©voque les souffrances subies et parvient Ă les porter Ă un degrĂ© dâintensitĂ© au-delĂ duquel il ne reste que lâinconscience ou la mort. Elle nâa pas voulu raconter son histoire, non plus que celle de ses compagnes ; Ă peine parfois des prĂ©noms. Car il nâest plus de place en ces lieux pour lâindividu. (Minuit)
« Une voix qui chuchote, dĂ©chirante. Un chuchotement Ă fleur de vie et dâhorreur. Cette voix une fois entendue vous obsĂšde, ne vous quitte plus. Je ne connais pas dâĆuvre comparable Ă celle de Charlotte Delbo, sinon Guernica, sinon le film Nuit et brouillard, mĂȘme pudeur, mĂȘme dĂ©chirure, mĂȘme atroce tendresse, chez cette femme, chez Alain Resnais. Cette douloureuse et bouleversante incantation est de ces livres rares qui laissent soudain le lecteur en pays Ă©tranger Ă lui-mĂȘme. » François Bott (LâExpress, 1970)