âOuvrage politiquement peu correctâ, jugea un Ă©diteur parisien Ă la lecture du manuscrit de ce roman.
Si cet Ă©diteur manqua dâhonnĂȘtetĂ© en le refusant, il nâen a pas moins eu raison sur le politiquement incorrect. Car Michel Cornillon ne sâest pas souciĂ© de plaire au prince lorsquâil a mis ce livre en chantier. Il en a mĂȘme profitĂ© pour dire ce quâil pensait du sionisme et de la politique israĂ©lienne actuelle, laquelle est aussi celle de nombre de nations paraĂźt-il Ă©voluĂ©es. Car si lâaction se dĂ©roule de septembre 1944 au 30 avril 45 (mort de Hitler), elle est narrĂ©e Ă lâĂ©poque actuelle par les deux cousins juifs, profession clowns, qui en furent les protagonistes. Ce qui permet au narrateur de juger les Ă©vĂ©nements dâalors selon les lumiĂšres actuelles.
DĂšs quâils reniflent en quel lieu les a conduits leur voyage de cinq jours en wagons Ă bestiaux, Yitzhak et MordekhaĂŻ dĂ©talent comme des lapins Ă lâintĂ©rieur des barbelĂ©s dâAuschwitz. Ă la suite de quoi, travestis en SS et prenant en otage la femme du commandant, ils deviennent au black les vĂ©ritables maĂźtres du lieu. AutoproclamĂ©s Vengeurs des Peuples, et rapidement alliĂ©s Ă quelques autres dĂ©tenus, ils vont rendre Ă leurs âcollĂšguesâ SS la monnaie de leur piĂšce. Les sĂ©vices infligĂ©s aux dĂ©portĂ©s vont ainsi sâappliquer Ă ces pauvres nazis, qui en verront de vertes et de pas mĂ»res, Ă commencer par un bon coup sur la cafetiĂšre suivi dâun passage immĂ©diat au grill. Dâautre part, cette inversion de la rĂ©alitĂ© en transformera le cĂŽtĂ© effroyable en un carnaval ou chacun pourra sâexprimer, câest-Ă -dire se tailler Ă coups de pelle, de barre de fer et de planche Ă clous un chemin vers le rire et la libertĂ©.
Le lecteur suivra donc, principalement par les yeux de Yitzhak, les exploits tantĂŽt hilarants, tantĂŽt tragiques et parfois mĂȘme Ă©pouvantables que vont accomplir nos hĂ©ros depuis la nuit de leur arrivĂ©e jusquâĂ lâĂ©vacuation du camp en janvier 45, puis de leurs âmarches de la mortâ Ă leur visite au bunker du FĂŒhrer. Saga Ă la fois chaotique et libĂ©ratrice offrant un aperçu jubilatoire du Reich hitlĂ©rien aplati par les bombes.
DĂ©tournement du rĂ©el ? Sans doute, mais Jorge Semprun nâa-t-il pas dĂ©clarĂ© : « Maintenant que disparaissent les tĂ©moins de cette Ă©poque, câest aux auteurs de fiction de prendre le relai ».
Transformer en comĂ©die la partie essentielle de lâhorreur hitlĂ©rienne, et sans jamais la nier, au contraire, câest ce que tenta lâauteur de ce roman peu commun.