Alors que le progrĂšs technologique a toujours Ă©tĂ© vu comme lâhorizon dâune libĂ©ration du travail, notre sociĂ©tĂ© moderne repose en grande partie sur lâaliĂ©nation de la majoritĂ© des employĂ©s de bureau. Beaucoup sont amenĂ©s Ă dĂ©dier leur vie Ă des tĂąches inutiles, sans rĂ©el intĂ©rĂȘt et vides de sens, tout en ayant pleinement conscience de la superficialitĂ© de leur contribution Ă la sociĂ©tĂ©. Câest de ce paradoxe quâest nĂ© et sâest rĂ©pandu, sous la plume de David Graeber, le concept de « bullshit jobs » â ou « jobs Ă la con », comme on les appelle en français.
Dans son style unique, virulent et limpide, lâauteur procĂšde ici, aprĂšs cinq ans dâenquĂȘte, Ă un examen poussĂ© de ce phĂ©nomĂšne. Graeber sâappuie sur les rĂ©flexions de grands penseurs, philosophes et scientifiques pour dĂ©terminer lâorigine de cette anomalie, tant Ă©conomique que sociale, et en dĂ©tailler les consĂ©quences individuelles et politiques : la dĂ©pression, lâanxiĂ©tĂ©, les relations de travail sadomasochistes, lâeffondrement de lâestime de soi⊠Graeber en appelle finalement Ă une rĂ©volte du salariĂ© moderne ainsi quâĂ une vaste rĂ©organisation des valeurs, qui placerait le travail crĂ©atif et aidant au coeur de notre culture et ferait de la technologie un outil de libĂ©ration plutĂŽt que dâasservissement, assouvissant enfin notre soif de sens et dâĂ©panouissement.