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Derborence

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Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947)

"Il tenait de la main droite une espùce de long bñton noirci du bout qu’il enfonçait par moment dans le feu ; l’autre main reposait sur sa cuisse gauche.

C’était le vingt-deux juin, vers les neuf heures du soir.

Il faisait monter du feu avec son bĂąton des Ă©tincelles ; elles restaient accrochĂ©es au mur couvert de suie oĂč elles brillaient comme des Ă©toiles dans un ciel noir.

On le voyait mieux alors, un instant, SĂ©raphin, pendant qu’il faisait tenir son tisonnier tranquille ; on voyait mieux Ă©galement, en face de lui, un autre homme qui Ă©tait beaucoup plus jeune, et lui aussi Ă©tait accoudĂ© des deux bras sur ses genoux remontĂ©s, la tĂȘte en avant.

– Eh bien, disait SĂ©raphin, c’est-Ă -dire le plus vieux, je vois ça... Tu t’ennuies.

Il regardait Antoine, puis s’est mis à sourire dans sa barbiche blanche :

– Il n’y a pourtant pas si longtemps qu’on est montĂ©s.

Ils Ă©taient montĂ©s vers le quinze juin avec ceux d’AĂŻre, et une ou deux familles d’un village voisin qui s’appelle Premier : ça ne faisait pas beaucoup de jours, en effet.

SĂ©raphin s’était remis Ă  tisonner les braises oĂč il avait jetĂ© une ou deux branches de sapin ; et les branches de sapin prirent feu, si bien qu’on voyait parfaitement les deux hommes, assis en face l’un de l’autre, de chaque cĂŽtĂ© du foyer, chacun sur le bout de son banc : l’un dĂ©jĂ  ĂągĂ©, sec, assez grand, avec de petits yeux clairs enfoncĂ©s dans des orbites sans sourcils, sous un vieux chapeau de feutre ; l’autre beaucoup plus jeune, ayant de vingt Ă  vingt-cinq ans, et qui avait une chemise blanche, une veste brune, une petite moustache noire, les cheveux noirs et taillĂ©s court."

Séraphin et Antoine sont montés aux alpages mais Antoine, fraßchement marié, s'ennuie déjà de sa femme. Un gigantesque éboulement survient : il n'y a aucun survivant...