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Gang of slaves

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Joli mois de mai... bientĂŽt la fin de la fĂȘte...

Cette fille avait-elle jurĂ© de ne point se laver, comme les guĂ©rilleros cubains avaient jurĂ© de garder leur barbe jusqu’à la victoire finale ? MalgrĂ© l’odeur, Miss Skuns avait cet aprĂšs-midi-lĂ  un attrait irrĂ©sistible : elle tenait en main, plaquĂ© Ă  son oreille, un Radiola portatif Ă  piles ! Et les piles de son poste n’étaient pas dĂ©chargĂ©es ! Une bĂ©nĂ©diction, un miracle ! Philippe la connaissait, elle Ă©tait de toutes les AG, assise toujours au premier rang, dĂ©couvrant ses cuisses, applaudissant Ă  tout rompre aux sorties enflammĂ©es des orateurs, hurlant de sa voix stridente, proclamant avec les jusqu’au-boutistes toutes les surenchĂšres inimaginables. On disait qu’elle se donnait Ă  corps perdu Ă  tous les Mao, les autonomes, les rĂŽdeurs d’universitĂ©, les beaux gosses en mal de tendresse, les nanas branchĂ©es filles, rappelant La Calvadienne, citoyenne du Calvados, dĂ©crite par Restif de la Bretonne dans Les Nuits de Paris, qui, voulant racheter le crime de Charlotte Corday, offrait ses charmes aux sans-culottes de Paris avec une gĂ©nĂ©rositĂ© Ă©perdue. De quel crime la fausse blonde pouvait-elle se prĂ©valoir pour rĂ©pandre ainsi ses faveurs ? Philippe sourit. « Sa gĂ©nĂ©rositĂ© n’est-elle que partage dĂ©sintĂ©ressĂ©e ? » À cet instant prĂ©cis, elle disposait d’une arme de sĂ©duction incomparable, sa pestilence en cette circonstance n’étant qu’un inconvĂ©nient mineur.

Au cƓur de la ville de Caen durant les Ă©vĂ©nements de 68, un pĂšre cherche du lait pour son fils nouveau-nĂ©. Durant une manif, la radio transistor retransmet le discours de De Gaule. Le voisin de palier est un dingue des Doors. Mettez le tout dans un shaker et vous obtenez un cocktail au gout de nostalgie dĂ©senchantĂ©e.