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Histoire de France

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Cette oeuvre laborieuse d'environ quarante ans fut conçue d'un moment, de l'éclair de Juillet. Dans ces jours mémorables, une grande lumiÚre se fit, et j'aperçus la France.

Elle avait des annales, et non point une histoire. Des hommes éminents l'avaient étudiée surtout au point de vue politique. Nul n'avait pénétré dans l'infini détail des développements divers de son activité (religieuse, économique, artistique, etc.). Nul ne l'avait encore embrassée du regard dans l'unité vivante des éléments naturels et géographiques qui l'ont constituée. Le premier je la vis comme une ùme et une personne.

L'illustre Sismondi, ce persĂ©vĂ©rant travailleur, honnĂȘte et judicieux, dans ses annales politiques, s'Ă©lĂšve rarement aux vues d'ensemble. Et, d'autre part, il n'entre guĂšre dans les recherches Ă©rudites. Lui-mĂȘme avoue loyalement qu'Ă©crivant Ă  GenĂšve il n'avait sous la main ni les actes ni les manuscrits.

Au reste, jusqu'en 1830 (mĂȘme jusqu'en 1836), aucun des historiens remarquables de cette Ă©poque n'avait senti encore le besoin de chercher les faits hors des livres imprimĂ©s, aux sources primitives, la plupart inĂ©dites alors, aux manuscrits de nos bibliothĂšques, aux documents de nos archives.

Cette noble plĂ©ĂŻade historique qui, de 1820 Ă  1830, jette un si grand Ă©clat, MM. de Barante, Guizot, Miguet, Thiers, Augustin Thierry, envisagea l'histoire par des points de vue spĂ©ciaux et divers. Tel fut prĂ©occupĂ© de l'Ă©lĂ©ment de race, tel des institutions, etc., sans voir peut-ĂȘtre assez combien ces choses s'isolent difficilement, combien chacune d'elles rĂ©agit sur les autres. La race, par exemple, reste-t-elle identique sans subir l'influence des mours changeantes ? Les institutions peuvent-elles s'Ă©tudier suffisamment sans tenir compte de l'histoire des idĂ©es, de mille circonstances sociales dont elles surgissent ? Ces spĂ©cialitĂ©s ont toujours quelque chose d'un peu artificiel, qui prĂ©tend Ă©claircir, et pourtant peut donner de faux profils, nous tromper sur l'ensemble, en dĂ©rober l'harmonie supĂ©rieure.

La vie a une condition souveraine et bien exigeante, Elle n'est véritablement la vie qu'autant qu'elle est complÚte. Ses organes sont tous solidaires et ils n'agissent que d'ensemble. Nos fonctions se lient, se supposent l'une l'autre. Qu'une seule manque, et rien ne vit plus. On croyait autrefois pouvoir par le scalpel isoler, suivre à part chacun de nos systÚmes ; cela ne se peut pas, car tout influe sur tout.