A 20 ans, Jean Genet est caporal dans l'armée de terre. Plus tard, soucieux de sa légende, il fera croire qu'il n'a été militaire que quelques jours. Faux. Son engagement représente presque sept ans de sa vie, de 18 à 25 ans. Il voyage (Syrie, Maroc) mais surtout il lit, il acquiert la formidable culture qui permettra son œuvre dix ans après. Sans éducation depuis des années, il a beaucoup de retard à rattraper.
En effet, abandonné à six mois, Jean est un enfant de l'Assistance publique, placé dans une famille d'accueil dans le Morvan. Il aime apprendre et est reçu premier au certificat d'études. L'Assistance publique n'envisage pourtant pas de faire de lui autre chose qu'un ouvrier. A 13 ans, elle lui propose d'apprendre à fabriquer des livres ; lui voulait déjà en écrire. Jean commet sa première fugue. Il disparaît deux mois. On soupçonne une affaire de mœurs, avec un homme. Un député s'en mêle. A son retour, il est placé chez un chanteur, il le vole. On le place en internement psychiatrique, il s'échappe. Il est envoyé trois mois en prison. On l'envoie dans une verrerie, il quitte la ville. Cette fois la justice ordonne son maintien en liberté surveillée dans la maison de redressement de Mettray. Il en fera le paradis perdu de sa jeunesse. Faux encore. La vérité est qu'il cherche par tous les moyens à s'en échapper. Pour cela il s'engage dans l'armée. Il quittait une prison pour une autre. Son désir de liberté absolue ne pouvait souffrir que la désertion comme échappatoire, c'est chose faite à 25 ans ; il n'est plus de retour possible.
Fondé sur une lecture inédite des archives de l'Assistance publique, croisée avec l'œuvre d'inspiration autobiographique de Jean Genet, ce portait vient éclairer de vastes zones d'ombre sur l'écrivain, sa formation intellectuelle et ses aventures de jeunesse. Faisant en permanence la part des choses entre le mythe et la réalité, mettant en relation les événements marquants de son adolescence avec ses premières œuvres (Notre-Dame-des-Fleurs, Miracle de la rose, Journal du voleur, et même Pompes funèbres), il permet de comprendre comment un enfant abandonné, élevé dans un petit village reculé de campagne, est devenu l'un des écrivains majeurs du XXe siècle.