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Jeanne d'Albret reine des Huguenots

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Il est vraisemblable que Jeanne d’Albret aurait paru plus grande si son fils avait Ă©tĂ© moins grand. Cependant, elle ne fut pas seulement la mĂšre d’Henri IV : Jeanne incarna chez nous la RĂ©forme, cette immense rĂ©volution, une des plus importantes dans ses prolongements que le monde ait connues et qui n’aurait pu avoir en France son puissant dĂ©roulement sans sa prĂ©sence. Elle incarna aussi la survivance de nos libertĂ©s provinciales et particuliĂšrement l’indĂ©pendance des rĂ©gions gasconnes qui n’avaient pas eu de dĂ©fenseur plus farouche depuis son ancĂȘtre Gaston FĂ©bus. Cette princesse de la Renaissance, amie des lettres et des arts comme sa mĂšre, la Marguerite des Marguerites, Ă©crivant et versifiant avec esprit, sĂ©vĂšrement honnĂȘte dans son comportement public, parfaitement pure dans sa vie privĂ©e, fut accusĂ©e de sectarisme et de sĂ©cheresse de coeur. Ce dĂ©nigrement systĂ©matique devait ĂȘtre trĂšs sensible Ă  tous les BĂ©arnais. La renaissance de nos vallĂ©es dĂ©laissĂ©es depuis des siĂšcles date de son rĂšgne. Le BĂ©arn lui doit une multitude de petits chĂąteaux, qui portent tous l’empreinte de son caractĂšre. Elle est considĂ©rĂ©e comme la patronne de ce pays. Les villages tirĂ©s de leur torpeur, repeuplĂ©s, rĂ©confortĂ©s par une bonne lĂ©gislation, de nouvelles industries crĂ©Ă©es, le lit des riviĂšres approfondi, nous lui devons tout cela. Elle avait le sang ardent des seigneurs Ă  la race desquels elle appartenait, ces Gascons turbulents et audacieux qui avaient remuĂ© la France pendant deux siĂšcles. Elle les continua, ne craignant pas la bataille, sachant parler au peuple aussi bien qu’au soldat, toujours prĂȘte Ă  risquer sa vie pour la religion, ses intĂ©rĂȘts pour ceux de sa race. Plus tard, cette femme dont la vie fut un long drame fut peu dĂ©fendue. Les biographies d’elle sont fragmentaires, incomplĂštes ou pĂ©rimĂ©es. J’essayerai surtout, en utilisant des documents Ă©pars, Ă©ditĂ©s ou inĂ©dits, de faire revivre la figure de celle que dĂ©peignait ainsi d’AubignĂ©, qui l’avait connue : « Cette princesse n’avait de femme que le sexe, l’ñme entiĂšre aux choses viriles, l’esprit puissant aux grandes affaires, le cƓur invincible aux adversitĂ©s ».

Bernard Nabonne, né à Madiran (1897-1951), écrivain, historien, auteur de romans et de biographies historiques. Il obtint le prix Renaudot, en 1927, pour son roman Maïtena. Voici une nouvelle édition, entiÚrement recomposée de cette biographie, publiée initialement en 1945.