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La joie de vivre : Les Rougon-Macquart 12/20

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Emile Zola (1840-1902)

"Comme six heures sonnaient au coucou de la salle Ă  manger, Chanteau perdit tout espoir. Il se leva pĂ©niblement du fauteuil oĂč il chauffait ses lourdes jambes de goutteux, devant un feu de coke. Depuis deux heures, il attendait madame Chanteau, qui, aprĂšs une absence de cinq semaines, ramenait ce jour-lĂ  de Paris leur petite cousine Pauline Quenu, une orpheline de dix ans, dont le mĂ©nage avait acceptĂ© la tutelle.

– C’est inconcevable, VĂ©ronique, dit-il en poussant la porte de la cuisine. Il leur est arrivĂ© un malheur.

La bonne, une grande fille de trente-cinq ans, avec des mains d’homme et une face de gendarme, Ă©tait en train d’écarter du feu un gigot qui allait ĂȘtre certainement trop cuit. Elle ne grondait pas, mais une colĂšre blĂȘmissait la peau rude de ses joues.

– Madame sera restĂ©e Ă  Paris, dit-elle sĂšchement. Avec toutes ces histoires qui n’en finissent plus et qui mettent la maison en l’air !"

Pauline, jeune orpheline, est recueillie par les cousins de son pÚre, M. et Mme Chanteau, au petit village normand Bonneville. Mme Chanteau n'hésite pas, petit à petit, à dilapider la fortune de Pauline...

Comme le village que la mer Ă©rode, le temps fait discrĂštement son oeuvre et use les ĂȘtres, les fortunes, les ambitions et les sentiments.