Delly (1875-1947) (1876-1949)
"HoĂ«l ouvrit la porte de chĂȘne vitrĂ©e de petits carreaux et descendit les trois marches de granit usĂ© qui menaient Ă la cour pavĂ©e prĂ©cĂ©dant le jardin.
DerriĂšre lui sâĂ©levait la vieille façade du manoir de LesvĂ©lec. Le granit autrefois gris pĂąle, extrait de carriĂšres voisines, avait pris des tons sombres. Autour des fenĂȘtres Ă petites vitres verdĂątres courait un rinceau sculptĂ© reprĂ©sentant des coquillages et se terminant, au-dessus de chacune dâelles, en une accolade formĂ©e de deux serpents.
La cour Ă©tait bien tenue, sans herbe parmi les pavĂ©s, usĂ©s eux aussi. Ă droite, sur un haut mur, sâĂ©tendait lâadmirable floraison de camĂ©lias roses et blancs. Mais le jardin Ă©tait nĂ©gligĂ©. Les arbres, poussant Ă leur guise, Ă©touffaient de leur ombre les plantes Ă fleurs, autrefois nombreuses et bien soignĂ©es. Les allĂ©es, dĂ©sherbĂ©es deux fois dans la saison dâĂ©tĂ©, reprenaient vite leur frais tapis vert. Dans lâabondant feuillage, les oiseaux avaient trouvĂ© une agrĂ©able demeure et leur gazouillement emplissait lâombre oĂč sâavançait HoĂ«l de Penandour.
Cet adolescent maigre et brun Ă©tait le descendant de vieilles races bretonnes. Ses traits fins, son teint mat lĂ©gĂšrement dorĂ©, ses cheveux noirs qui tendaient Ă boucler, il les tenait de son aĂŻeule maternelle, une Rosnoan, de TrĂ©gaz-en-LĂ©on. Les Penandour, marins ou agriculteurs, les deux souvent ensemble, lui avaient lĂ©guĂ© ces yeux aux teintes changeantes dâocĂ©an. De sa mĂšre, la douce Anne de ClĂ©den, morte en lui donnant le jour, il hĂ©ritait la souple allure un peu indolente, les goĂ»ts artistiques et intellectuels."
Qui des deux sera le plus fort ? l'amour ou la haine...