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L'annonciatrice : Tome I : La mort d'un monde

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Romain Rolland (1866-1944)

"Ils avaient dĂ» refermer la porte-fenĂȘtre sur le balcon. La houle de la rue s’enflait comme une marĂ©e. Il y passait des rafales. Des hurlements, des cris en vrille, des rires perçants. Par des trous de silence, on entendait piĂ©tiner l’énorme masse invisible. La bĂȘte reprenait souffle. Puis, de ses flancs montait un mugissement de taureau.

Sylvie n’y put tenir. Ses narines battaient. Elle s’esquiva, voulant entraĂźner son neveu. Elle disait qu’on ne pouvait pourtant pas se chambrer, un jour pareil : qu’on en pense ce qu’on voudra, il faut voir et goĂ»ter. (Ce que Sylvie goĂ»tait, ce n’était jamais Ă  moitiĂ© !...) Mais Marc se refusa Ă  la suivre, avec trop de colĂšre pour que sous son mĂ©pris il n’y eĂ»t point une peur et un dĂ©sir. Et il avait passĂ© l’aprĂšs-midi entier avec sa mĂšre, dans l’appartement fermĂ©, oĂč de bonne heure se glissa l’ombre de novembre. Le grondement du dehors grossissait, d’heure en heure. Marc, assis sur son lit, se mordait le dos des mains. Annette essayait d’occuper ses doigts et ses pensĂ©es ; dans le coin de sa chambre le plus Ă©loignĂ© de la fenĂȘtre, elle cousait, Ă  la lueur de la lampe. Mais, percevant le dĂ©sarroi de son fils, elle jeta son ouvrage et vint s’asseoir sur le lit, prĂšs de lui. Elle lui prit la main, et il ne la retira point, mais il tournait obstinĂ©ment la face vers le mur. Elle le regardait, avec un sourire de pitiĂ© ; elle baisa le jeune cou, au-dessous de l’oreille, et lui souffla : – « Sors, mon petit !... ». Il secoua violemment la tĂȘte : – « Non ! »

Tome I : "La mort d'un monde".

11 novembre 1918... la guerre est enfin terminĂ©e et c'est la fĂȘte ; mais plus rien ne semble pareil Ă  l'avant. Pourra-t-on crĂ©er un nouveau monde ? Annette et son fils Marc arriveront-ils enfin Ă  trouver leur place ?

QuatriÚme opus de la tétralogie "L'ùme enchantée".

A suivre : Tome II - "L'enfantement".