George Sand (1804-1876)
"Le village de Villepreux était, au dire de M. Lerebours, le plus bel endroit du département de Loir-et-Cher, et l’homme le plus capable du dit village était, au sentiment secret de M. Lerebours, M. Lerebours lui-même, quand la noble famille de Villepreux, dont il était le représentant, n’occupait pas son majestueux et antique manoir de Villepreux. Dans l’absence des illustres personnages qui composaient cette famille, M. Lerebours était le seul dans tout le village qui sût écrire l’orthographe irréprochablement. Il avait un fils qui était aussi un homme capable. Il n’y avait qu’une voix là -dessus, ou plutôt il y en avait deux, celle du père et celle du fils, quoique les malins de l’endroit prétendissent qu’ils étaient trop honnêtes gens pour avoir entre eux deux volé le Saint-Esprit.
Il est peu de commis-voyageurs fréquentant les routes de la Sologne pour aller offrir leur marchandise de château en château, il est peu de marchands forains promenant leur bétail et leurs denrées de foire en foire, qui n’aient, à pied, à cheval ou en patache, rencontré, ne fût-ce qu’une fois en leur vie, M. Lerebours, économe, régisseur, intendant, homme de confiance des Villepreux. J’invoque le souvenir de ceux qui ont eu le bonheur de le connaître. N’est-il pas vrai que c’était un petit homme très sec, très jaune, très actif, au premier abord sombre et taciturne, mais qui devenait peu à peu communicatif jusqu’à l’excès ? C’est qu’avec les gens étrangers au pays il était obsédé d’une seule pensée, qui était celle-ci : Voilà pourtant des gens qui ne savent pas qui je suis ! – Puis venait cette seconde réflexion, non moins pénible que la première : il y a donc des gens capables d’ignorer qui je suis – Et quand ces gens-là ne lui paraissaient pas tout à fait indignes de l’apprécier, il ajoutait pour se résumer : Il faut pourtant que ces braves gens apprennent de moi qui je suis."
Ayant terminé son Tour de France, le compagnon menuisier Pierre Huguenin, dit "Villepreux l'ami du trait", retourne travailler chez son père. Ils sont engagés par le comte de Villepreux pour restaurer les boiseries de sa chapelle. Mais à peine les travaux commencés le père Huguenin se blesse ; Pierre part à Blois recruter des compagnons...