En Normandie, la chasse vient d'ouvrir. Le narrateur se rend chez le baron René du Treilles, dans sa ferme Marinville pour chasser avec lui. Après un voyage cahoteux de deux heures par des chemins pierreux, dans une cage à poulets tirée par des chevaux peureux et menée par un paysan rustique, les trois compagnons arrivent à la ferme. Elle sent le lait, la pomme, la fumée, et la veille maison paysanne normande. Le soir venu, un dîner campagnard, chaleureux, familier, simple et abondant, remplit les ventres. Bientôt, le paysan, repu et fatigué, se frotte les yeux:
«—Si vous permettez, m’sieu le baron, j’ vas m’ mette au lit. J’ai pas coutume d’ veiller tard, mé.
Le baron lui tendit la main et lui dit : « Allez, mon ami », d’un ton si cordial, que je demandai, dès que l’homme eut disparu :
—Il vous est très dévoué, ce fermier ?
—Mieux que cela, mon cher, c’est un drame, un vieux drame tout simple et très triste qui m’attache à lui. Voici d’ailleurs cette histoire...»
Publiée dans le recueil «Le Colporteur» en 1900, la nouvelle «Le Fermier» raconte l'histoire d'un paysan au cœur sensible, avec comme décors la campagne profonde, et la Normandie si chère à Maupassant.
Guy de Maupassant (1850-1893) est un écrivain et journaliste français né au bord du littoral normand. Sa mère, douée d’une grande culture littéraire, participe à son éducation tournée vers les livres. Il passe le reste de son temps dans la campagne ou les ports, à converser avec pêcheurs et paysans qui lui serviront d’inspiration plus tard pour quelques personnages. À 12 ans, il est envoyé en pension où la religion, très présente, anime en lui un dégoût pour le sacré. Après le lycée, il est mobilisé en 1870 pour la guerre contre la Prusse. Un an plus tard, il fait ses bagages pour Paris où il y travaille comme fonctionnaire au Ministère de la Marine pendant 10 ans. En février 1875, il publie son premier conte, «La Main écorchée». Maupassant est très vite ennuyé par l’administration. Le soir, il travaille d'arrache-pied à ses œuvres littéraires ; et aux alentours de 1880, il se consacre pleinement à sa passion. C’est Flaubert qui l’introduit au monde de la littérature professionnelle. Il rencontre des auteurs réalistes, Zola, et les frères Goncourt. Maupassant fait un départ lent, mais il connaît bientôt le succès avec «Boule de Suif». Avec Zola qu’il côtoie aux Soirées de Médan, s’ensuivent de nombreuses nouvelles, toutes plus cultes les unes que les autres: «La ficelle» (1883), «La parure» (1884) ou «Le Horla» (1887). Il publie aussi des romans réalistes: «Une vie» en 1883, «Bel-Ami» en 1885 et «Pierre et Jean» en 1888. Guy de Maupassant, reconnu de son vivant, l’est aussi dans la mort: de nombreuses adaptations à l’écran renouvellent encore aujourd’hui ses œuvres intemporelles.