22 mois dans les tranchées laissent une empreinte indélébile sur un homme. Lauréat du prix Goncourt en 1916, Henri Barbusse se distingue parmi les rares écrivains ayant vécu l'horreur de la guerre. Grâce à son journal intime, où il notait minutieusement ses expériences en tant que soldat, il nous offre un témoignage à la fois saisissant et instructif de la guerre des tranchées, cette terrible boucherie dont la plupart ne revinrent jamais.
L'œuvre de Barbusse dépasse le simple récit de guerre pour se révéler comme une réalisation littéraire magistrale. À travers son style brut et poignant, il montre que la poésie des mots peut être le moyen le plus puissant pour retranscrire la réalité avec une profondeur authentique.
Lire ce livre aujourd'hui revêt une importance particulière. En période de conflits armés persistants et de débats sur la nature de la guerre, l'œuvre de Barbusse offre une perspective poignante et intemporelle sur les souffrances des soldats et les absurdités de la guerre. Elle nous invite à une réflexion profonde sur le coût humain des conflits et sur la nécessité de la paix. En revenant aux sources de l'expérience de guerre, nous sommes appelés à mieux comprendre et à empathiser avec ceux qui vivent des situations similaires dans le monde contemporain. Ce livre reste ainsi un outil essentiel pour une conscience historique et une réflexion éthique sur les horreurs de la guerre et leurs répercussions durables sur l'humanité.
Bénéficiant d'une mise en page visant à faciliter la lecture, le texte est suivi d'un article sur l'auteur paru dans le journal Libération à l'occasion de ses funérailles en 1935.
Extrait :
Réveillé brusquement, j'ouvre les yeux dans le noir. – Quoi ? Qu'est-ce qu'il il y a ? – C'est ton tour de garde. Il est deux heures du matin, me dit le caporal Bertrand que j'entends, sans le voir, à l'orifice du trou au fond duquel je suis étendu. Je grogne que je viens, je me secoue, bâille dans l'étroit abri sépulcral ; j'étends les bras et mes mains touchent la glaise molle et froide. Puis je rampe au milieu de l'ombre lourde qui obstrue l'abri, en fendant l'odeur épaisse, entre les corps intensément affalés des dormeurs. Après quelques accrochages et faux pas sur des équipements, des sacs, et des membres étirés dans tous les sens, je mets la main sur mon fusil et je me trouve debout à l'air libre, mal réveillé et mal équilibré, assailli par la bise aiguë et noire.