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Le roman d'un mois d'été

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Tristan Bernard (1866-1947)

"– Pourquoi ?

– Hé bien, mon vieux, parce que je suis obligé de me lever demain matin à six heures. Si nous commençons un poker, je me connais, et je vous connais : je ne me coucherai pas et, demain matin, je serai claqué pour prendre mon train.

– Hé bien, quoi ! tu dormiras dans le train.

– Non, non, mon vieux ! Et puis, j’ai pris toutes mes dispositions pour être tranquille cet été au point de vue galette. Suppose que ce soir je perde la grosse somme, il me faudra déplacer des fonds, écrire à un fermier : c’est huit ou quinze jours de tracas.

– Va-t-en au diable ! Albert et les deux Harvey seront ici tout à l’heure. Nous jouerons à quatre, voilà tout.

Julien, ainsi congédié, s’en alla et rentra chez lui, un peu triste. Il avait fait parler, tant qu’il avait pu, la Raison, mais il n’eût pas été fâché qu’elle trouvât chez le Vice une plus forte résistance, quitte à succomber avec honneur.

Il n’avait pas sommeil. Ses malles étaient faites. Son petit appartement camphré et tout gris de housses avait pris pour l’été une figure étrangère et sèche. On avait entouré de mousseline les lampes électriques et il dut s’éclairer avec une bougie trop grande, qui ressemblait à un cierge funéraire.

Il fut content d’entendre du bruit dans une pièce du fond. Mme Duble, sa gouvernante, n’était pas encore couchée."

Julien, la trentaine passée et aisé, compte sur la Providence pour désennuyer sa vie. L'arrivée d'un visiteur inconnu de lui, le marquis de Drouhin, va peut-être changer la donne...