René Guénon (1886-1951)
"Un être quelconque, que ce soit l’être humain ou tout autre, peut évidemment être envisagé à bien des points de vue différents, nous pouvons même dire à une indéfinité de points de vue, d’importance fort inégale, mais tous également légitimes dans leurs domaines respectifs, à la condition qu’aucun d’eux ne prétende dépasser ses limites propres, ni surtout devenir exclusif et aboutir à la négation des autres. S’il est vrai qu’il en est ainsi, et si par conséquent on ne peut refuser à aucun de ces points de vue, même au plus secondaire et au plus contingent d’entre eux, la place qui lui appartient par le seul fait qu’il répond à quelque possibilité, il n’est pas moins évident, d’autre part, que, au point de vue métaphysique, qui seul nous intéresse ici, la considération d’un être sous son aspect individuel est nécessairement insuffisante, puisque qui dit métaphysique dit universel. Aucune doctrine qui se borne à la considération des êtres individuels ne saurait donc mériter le nom de métaphysique, quels que puissent être d’ailleurs son intérêt et sa valeur à d’autres égards ; une telle doctrine peut toujours être dite proprement « physique », au sens originel de ce mot, puisqu’elle se tient exclusivement dans le domaine de la « nature », c’est-à-dire de la manifestation, et encore avec cette restriction qu’elle n’envisage que la seule manifestation formelle, ou même plus spécialement un des états qui constituent celle-ci."