Fin du XIXe siĂšcle : Adriana Braggi, veuve depuis ses vingt-deux ans, vit cloĂźtrĂ©e, avec ses deux fils, chez frĂšre de son mari dĂ©cĂ©dĂ©, dans une grande maison austĂšre dâun bourg italien "aux mĆurs rigoureuses". Ă la suite dâun important malaise, son mĂ©decin lâincite Ă partir Ă Palerme consulter un spĂ©cialiste. Son beau-frĂšre va faire avec elle le voyage qui, faisant voler en Ă©clats les barriĂšres de son environnement, se rĂ©vĂšle un enchantement, mais distille aussi un poison mordant : quâil est cruel de dĂ©couvrir le monde si tard ! Ă Palerme, le mĂ©decin lui annonce quâelle va mourir. Son beau-frĂšre dĂ©cide alors de lui faire poursuivre le voyage. Ils visitent Naples, Milan, Venise⊠et dĂ©couvrent lâattachement qui les lie. DĂ©couverte du monde et de soi, de ses sentiments les plus enfouis, ce voyage offre Ă Adriana, au seuil de la mort, lâexistence dont elle rĂȘvait sans le savoir.
"Alors quâelle voyait, entre les voitures, au travers de la lueur dâor, le bruissement de la foule bruyante, [...] les Ă©claboussures colorĂ©es, telles des pierres prĂ©cieuses, des vitrines, des enseignes, [...] elle sentit la vie, la vie, uniquement la vie faire irruption en trombe dans son Ăąme, par tous ses sens bouleversĂ©s et exaltĂ©s comme une divine Ă©briĂ©tĂ© ; elle nâĂ©prouva aucune angoisse, pas la moindre pensĂ©e, mĂȘme fugitive, ne lui traversa lâesprit pour sa mort proche et certaine, pour cette mort qui dĂ©jĂ , pourtant, Ă©tait en elle."
L.P.
("Le Voyage", Mille et une nuit, 1994)