Jules Lermina (1839-1915)
"Vers onze heures du matin, par un doux soleil de printemps – on était au commencement d’avril, le 2, pour bien préciser – tout à coup des hurlements éclatèrent dans la rue Montmartre, à proximité du boulevard, tandis qu’une foule de coureurs rapides, mais peu élégants, se ruaient du coin de la rue du Croissant, les uns vers le carrefour, les autres dévalant vers les Halles, mais tous glapissant des sons aigus, incohérents, à travers lesquels l’oreille déchirée cependant percevait des fragments de mots sinistres :
– Le crime de l’Obélisque... D’mandez le Nouvelliste, édition spéciale. – Horribles détails.
Après quelques hésitations – car combien de fois n’avait-on pas été mystifié par la rouerie des camelots ! – quelques-uns achetaient la feuille, l’examinaient, puis subitement entourés, s’arrêtaient sur place comme médusés, et lisaient au milieu d’un groupe d’où émergeaient des faces anxieuses...
– Oui, oui !... un crime !... un assassinat !... De qui ?... On ne sait pas... L’assassin est-il arrêté ?... Je t’en fiche !...
Voici l’article court mais sensationnel qui motivait cette émotion
« Ce matin, à quatre heures et demie, à l’heure où Paris désert appartient aux balayeurs et n’est sillonné que par des haquets d’arrosage, un journalier, M. H... se rendait à son travail et, pour atteindre les chantiers de la Madeleine, traversait, venant de Grenelle, la place de la Concorde, quand tout à coup, du trottoir des Tuileries par lequel il la contournait, ses outils sur l’épaule, il lui sembla apercevoir, au pied de l’Obélisque, un peu au-dessus du sol, quelque chose d’anormal.
« Il passait d’ailleurs, sans plus se préoccuper de ce détail, quand, s’étant retourné une dernière fois « pour se rendre compte », il lui sembla que ce – quelque chose – avait forme humaine..."
Nous sommes au début du XXe siècle. Le cadavre d'un inconnu est découvert en plein Paris. Mr Bobby, un policier anglais en vacances, reconnaît formellement un certain Coxward. Mais il est prouvé que ce dernier était en Angleterre, quelques heures auparavant... Coxward ou pas Coxward... telle est la question !