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L'énigme de Givreuse

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J.-H. Rosny Aîné (1856-1940)

"Dans la première semaine de septembre 1914, vers le soir, quatre brancardiers traversaient la lande du Loup Rouge. Le crépuscule venait formidable et terrifique. L’enfer était dans le ciel et sur la terre. Une fournaise de soufre et de sang s’ouvrait dans la nuée ; la foudre des hommes, grondant au delà des collines, ébranlait les arbres dans leurs racines et les rocs dans leurs profondeurs.

Les brancardiers revenaient de l’ambulance et retournaient vers la tuerie ; l’un d’eux murmura en s’essuyant le front :

– On les tient...

– Nous avons encore avancé, répliqua son compagnon.

Il y avait de l’horreur sur la lande. Le sang formait des mares ou se coagulait parmi les herbes. Des cadavres s’allongeaient paisibles et sinistres...

Subitement, une main s’éleva sous une cépée, on discerna une faible plainte :

– Un qu’on n’a pas vu ! fit celui qui avait parlé le dernier.

Il s’approcha de la trochée : un soldat regardait autour de lui, dans un songe. C’était un homme de grande stature, dont les météores avaient à peine patiné le visage. Sa chevelure appelait la couleur des avoines mûres et sa moustache celle de la paille d’épeautre ; il avait des yeux vastes, couleur de jade, des joues de jeune fille, un front coupé perpendiculairement aux tempes, et très haut. Le sang noir séchait sur son crâne.

– Va bien ! dit le brancardier... On est là.

L’homme ne répondit point. Une brume flottait sur ses prunelles ; il parut près de s’endormir.

– Pas bon signe, reprit le brancardier... Hé ! Charlet... on l’amène ?"

Septembre 1914 : un groupe de brancardiers trouve un soldat blessé, puis un second, identique au premier... des jumeaux ? Même physique, mêmes blessures, même identité... les deux soldats déclarent être Pierre de Givreuse et leurs souvenirs sont identiques...