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Les cahiers du capitaine Coignet

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Jean-Roch Coignet (1776-1865)

"Le 6 fructidor an VII, deux gendarmes se prĂ©sentĂšrent pour me donner une feuille de route pour partir le 10 fructidor pour Fontainebleau. Je fis de suite mes prĂ©paratifs pour partir ; on voulait me faire remplacer ; je remerciai en pleurant : « Je vous promets que je reviendrai avec un fusil d’argent, ou je serai tuĂ© ! »

Mes adieux furent tristes ; je fus comblĂ© d’égards par tout le monde, conduit un bout de chemin, et bien embrassĂ©. Mon petit paquet sous le bras, je viens coucher Ă  Rozoy, premiĂšre Ă©tape militaire. Je fus chercher mon billet de logement que je prĂ©sente Ă  mon hĂŽte qui ne fait pas attention Ă  moi. Je sors et vais acheter un pot-au-feu, que le boucher me mit dans la main. Je fus blessĂ© de voir cette viande dans le creux de ma main. Je la prĂ©sente Ă  ma bourgeoise pour qu’elle ait la complaisance de me la faire cuire et je vais lui chercher des lĂ©gumes. On finit par mettre mon petit pot-au-feu ; j’eus alors les bonnes grĂąces de mes hĂŽtes qui voulurent bien m’adresser la parole, mais je ne leur en tins aucun compte.

Le lendemain, j’arrive Ă  Fontainebleau oĂč des officiers peu ardents au service nous reçurent, et nous mirent dans une caserne en trĂšs mauvais Ă©tat. Notre beau bataillon s’est formĂ© dans la quinzaine ; il Ă©tait de l800 hommes : comme il n’y avait pas de discipline, il se forma de suite une rĂ©volution, et la moitiĂ© s’en allĂšrent chez eux. Le chef de bataillon en fit son rapport Ă  Paris, et il fut accordĂ© quinze jours pour rejoindre le bataillon, sans quoi on serait portĂ© dĂ©serteur et poursuivi comme tel.

Le gĂ©nĂ©ral LefĂšvre fut envoyĂ© de suite pour nous organiser. On fit former les compagnies et tirer les grenadiers ; je fus du nombre de cette compagnie qui se montait Ă  cent vingt hommes et nous fĂ»mes habillĂ©s de suite. Nous reçûmes tout au grand complet, et de suite Ă  l’exercice deux fois par jour !... Les retardataires furent ramenĂ©s par les gendarmes, et l’on nous mit Ă  la raison."

Souvenirs sur les guerres napoléoniennes d'un grognard.