Il prit soin de prononcer ces derniers mots, lourds de sous-entendus, avec un dédain marqué dans la voix, et laissa errer son regard en direction de Proutski, sans toutefois donner l’impression de le voir.
— Je vous ferai grâce des flatteries protocolaires. Si nous vous avons convoqué, c’est parce que nous sommes intéressés par votre manus-crit, la prémisse de départ à tout le moins. Évidemment, nous ne le publierons pas tel quel, ce serait de la pure folie. Mais ne vous en faites pas, c’est tout à fait normal. C’est pour ça que nous avons besoin l’un de l’autre. Nous formons une équipe, Proutski. Sans moi, vous n’ êtes rien, votre livre n’est rien, vos histoires de fond de tiroir y pourriraient. Vous devez comprendre une chose : un livre comme le vôtre, dans lequel il ne se passe à peu près rien, ça ne vaut pas un kopeck. Le lecteur a besoin d’action, d’intrigue, de passion, bon sang ! Qu’est-ce qu’il peut bien avoir à foutre de vos petites crises existentielles ? Sa vie ne croule-t-elle pas déjà assez sous l’ ennui ? Vous devez le faire voyager, lui faire découvrir des contrées inconnues, pas lui mettre le nez dans votre linge sale.