Emile Gaboriau (1832-1873)
"Il est toujours bon de consulter les hommes spéciaux.
Aussi, avant de livrer ce volume Ă mon imprimeur, jâai cru devoir soumettre le manuscrit Ă un de mes amis, sous-chef dans une de nos administrations publiques.
Huit jours aprĂšs, il me retournait mon livre avec le billet suivant :
« Je ne sais en vĂ©ritĂ©, mon cher, oĂč vous avez puisĂ© vos renseignements. Vos personnages nâont pas la moindre vraisemblance. Ils nâexistent pas. Que vous connaissez peu les employĂ©s ! Ce sont tous, sans exception, des hommes de mĂ©rite, intelligents, laborieux, actifs, fanatiques de leurs devoirs. Savez-vous quâon nâouvre pas les portes avant dix heures pour les empĂȘcher dâarriver trop tĂŽt ? Savez-vous que le soir il faut leur faire violence pour les mettre dehors sur le coup de quatre heures ? Jâen connais qui ont refusĂ© Ă la fin du mois de toucher leurs appointements, parce quâils ne croyaient pas les avoir assez bien gagnĂ©s. Et le mĂ©canisme administratif, quelle singuliĂšre idĂ©e vous vous en faites ! Y a-t-il exemple dâune seule affaire qui ait traĂźnĂ© en longueur dans nâimporte quel ministĂšre ? Et quelle politesse dans tout le personnel, quelle urbanitĂ© parfaite, quel savoir-vivre !... Demandez au public. â Quant au favoritisme, chacun sait quâil nâexiste plus depuis les immortels principes de 89.
« Donc, puisque vous voulez un conseil, croyez-moi, brûlez ces pages, et venez me demander ma collaboration. à nous deux nous ferons quelque chose de bien. »
Ce conseil si dĂ©sintĂ©ressĂ© mâa touchĂ© lâĂąme. Mais je me suis souvenu que M. Josse est toujours orfĂ©vre.
VoilĂ pourquoi je publie ce volume."
Romain Caldas a décidé de devenir fonctionnaire !
Satire de la vie administrative sous le second empire...