Tristan Bernard (1866-1947)
"Vers sept heures du matin, Ămile, garçon de bureau, vĂȘtu comme un simple mortel dâun pantalon et dâune chemise, promenait un balai Ă©lectrique sur le tapis dâune vaste piĂšce.
Ce cabinet spacieux Ă©tait celui de M. Maurice Langrevin, Ă©diteur. Il Ă©tait meublĂ© confortablement, mais sans recherche. Des armoires Ă©taient venues y prendre place, au hasard des Ă©vĂ©nements. Câest ainsi que la grande bibliothĂšque en bois noir venait de la maison Borbat, Ă©diteur dâouvrages de droit, dont M. Langrevin avait un jour rachetĂ© le fonds. Une autre armoire vitrĂ©e, en noyer cirĂ©, avait Ă©tĂ© trouvĂ©e, un jour de pluie, Ă lâHĂŽtel des Ventes... Un buste de CicĂ©ron venait Ă©galement de chez Borbat. Un groupe de trois coureurs en bronze, sans prĂ©tention au symbole, avait Ă©tĂ© offert par ses employĂ©s Ă M. Langrevin, Ă lâoccasion du quarantiĂšme anniversaire de la fondation de la maison.
Des diplĂŽmes encadrĂ©s rappelaient les succĂšs de M. Langrevin dans des expositions europĂ©ennes, et mĂȘme dans des manifestations de propagande de par delĂ lâAtlantique.
Le balai mĂ©canique ronflait autour dâun grand bureau, reprĂ©sentant isolĂ© du style Empire. Ă lâautre bout de cette grande piĂšce, une table de faux Boulle faisait Ă©galement bureau. CâĂ©tait lĂ que prenait place Marcel Langrevin, le fils du patron.
Pour lâinstant, la grande maison semblait vide. Le laboureur Ămile suivait comme des sillons les lĂ©s du tapis. Il sifflotait, la conscience calme, comme un bon travailleur matinal."
Roman court.
Marcel Langrevin est le fils d'un éditeur aisé. Loin de ressembler à son pÚre, il profite de la vie et adore jouer... Mais cette fois-ci, il a perdu beaucoup d'argent ; comment payer cette dette ?