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Les musiciens et la musique

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AprĂšs avoir exercĂ© sporadiquement sa plume dans Le Correspondant, L'Europe littĂ©raire et Le RĂ©novateur, oĂč il offrait aux lecteurs des professions de foi esthĂ©tiques plutĂŽt que des critiques, Berlioz devient collaborateur officiel et donc critique «professionnel» d'abord, en 1834, Ă  la Gazette musicale de Paris, puis, en 1835, au fort respectĂ© Journal des DĂ©bats. DĂ©voilant ses enthousiasmes en langage prĂ©cis et sa science en langage transparent, il se rĂ©vĂšle plus que sceptique envers musiques et artistes estimĂ©s pour leur seule valeur marchande. Parfois il exprime son hostilitĂ© aux excĂšs des chanteurs de façon dĂ©licieusement satirique. Dans ses SoirĂ©es de l'orchestre, recueil, publiĂ© en 1852, d'articles et de nouvelles Ă©crits dans les annĂ©es 1830-1840, mais aussi dans "Les musiciens et la Musique"; il laisse libre court Ă  une tribune ironique sur la musique de son temps et les facĂ©ties des musiciens.

Les premiers textes journalistiques de Berlioz consistent en des polémiques dirigées contre les «dilettanti fanatiques», c'est-à-dire les amateurs au savoir musical limité qui, au temps de la révolution de Juillet, n'appréciaient guÚre que les broderies, roulades et vocalises du style italien.

Le «culte du virtuose» qui motive de telles polĂ©miques est prĂ©cisĂ©ment ce qui amĂšne Robert Schumann, en 1834, Ă  fonder la Neue Zeitschrift fĂŒr Musik, bien que le musicien allemand, pianiste comme le sont nombre de ses collaborateurs, s'en prenne Ă  la virtuositĂ© «insipide» non pas des chanteurs mais des artistes du clavier tels que Czerny, Herz, HĂŒnten et Kalkbrenner, dont les oeuvres inondent le marchĂ© europĂ©en et suscitent, selon Schumann, un appauvrissement gĂ©nĂ©ral du goĂ»t musical...

[cf. Bloom, Peter. « Virtuosités de Berlioz », Romantisme, vol. 128, no. 2, 2005, pp. 71-93.]